La Fédération Ardéchoise et Drômoise de Libre Pensée s’est opposée à l’organisation, par le Groupement de Gendarmerie de l’Ardèche, d’une journée de célébration de la Sainte Geneviève, et a contesté la décision du Colonel organisant cette manifestation devant le Tribunal Administratif de Lyon (Tribunal Administratif de Lyon, 19 mars 2025, n° 2300070)
Le Tribunal a répondu en deux temps à cette demande :
– Tout d’abord, il a considéré que l’organisation d’une fête au caractère familial et festif à l’occasion de la Sainte Geneviève ne contrevenait ni aux dispositions de l’article 1 de la Constitution, ni aux dispositions de l’article L. 4121-1 du Code de la Défense en retenant que :
« Alors que Sainte Geneviève est reconnue comme la patronne et protectrice de la gendarmerie française depuis un bref du pape Jean XXIII du 18 mai 1962, la célébration organisée le 30 novembre 2022 par le colonel commandant le groupement de gendarmerie de l’Ardèche constitue, ainsi qu’il ressort de la note de service du 29 novembre 2022 précitée, une «fête au caractère familial au sens large», présentant un caractère festif, de convivialité et de cohésion. En outre, alors que tous les membres du personnel de la gendarmerie se voient octroyer un jour de congé supplémentaire à l’occasion de la fête de la Sainte-Geneviève, qu’ils prennent part ou non, aux activités organisées, la présence à ces festivités n’était pas obligatoire. Ainsi, si Sainte Geneviève constitue une figure de la religion catholique et présente un caractère religieux, la Sainte-Geneviève représente également, ainsi que le fait valoir le ministre de l’intérieur dans ses écritures en défense, un symbole traditionnel associé aux valeurs de courage, d’engagement et de dévouement que la gendarmerie souhaite célébrer, sans signification religieuse particulière. Eu égard à cette pluralité de significations, la décision attaquée du colonel commandant le groupement départemental de gendarmerie de l’Ardèche d’organiser une journée de célébration de la Sainte Geneviève n’est pas de nature, par elle-même, à porter atteinte au principe de laïcité ».
– En second lieu, et en revanche, le Tribunal a considéré que la présence , même facultative des gendarmes en uniforme, à une célébration religieuse, organisée par la gendarmerie, était contraire au principe de laïcité et à l’article 1er de la Constitution en retenant que :
« Dès lors, en organisant un office religieux selon les modalités précédemment décrites, et en allouant des moyens, notamment humains, pour sa tenue, le colonel commandant le groupement de gendarmerie a exprimé la reconnaissance d’un culte et une préférence religieuse en méconnaissance du principe de laïcité tel que garanti par l’article 1er de la Constitution. Par suite, la Fédération ardéchoise et drômoise de Libre Pensée est fondée à soutenir que la décision attaquée doit être annulée en tant qu’elle comporte l’organisation d’un office religieux ».
Cette décision vient en opposition au jugement rendu par le Tribunal Administratif de Nîmes (Tribunal Administratif de Nîmes, 19 février 2021, n° 1900022) qui avait lui considéré que :
« Si les militaires de la gendarmerie bénéficient de la liberté de conscience ainsi que, dans les conditions fixées par les dispositions citées au point 5, du libre exercice des cultes, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu’ils manifestent leurs croyances religieuses dans le cadre du service public. Ces principes ne font toutefois pas obstacle à ce que les militaires de la gendarmerie soient invités et autorisés, durant le service, à assister à un office religieux dans une église, lorsque cette invitation présente un caractère facultatif et s’inscrit dans le cadre d’une manifestation annuelle, traditionnelle et festive participant à la cohésion et à la représentation de l’institution.
Au cas d’espèce, il ressort des pièces du dossier que, depuis de nombreuses années, la gendarmerie nationale organise au mois de novembre une manifestation dite « Cérémonie de la sainte Geneviève », nom de la patronne des gendarmes. Dans le Gard, la note de service du chef du groupement de gendarmerie du 6 novembre 2018 fait état de l’organisation, le vendredi 30 novembre 2018, de cet évènement annuel comportant une prise de parole du commandement de groupement et du préfet du Gard ainsi qu’un cocktail au mess de l’escadron de gendarmerie mobile, précédé d’un office religieux dans une église de Nîmes célébré par un prêtre et un aumônier militaire. Tous les personnels militaires, civils, réservistes, retraités des unités et services du ressort de la compagnie de Nîmes et leurs familles, ainsi que les autorités civiles et militaires, sont conviés à cet évènement ouvert aux croyants et aux non-croyants. S’agissant des personnels militaires, la note de service rappelle le port des uniformes de cérémonie et le caractère facultatif de la participation des agents en service à cette date dans la limite des effectifs nécessaires à la continuité du service public.
Eu égard à son contexte et à ses conditions d’organisation, la « Cérémonie de la sainte Geneviève » revêt le caractère d’un évènement collectif, traditionnel et festif de type fête patronale annuelle. Le fait pour des militaires de la gendarmerie d’assister au cours d’un tel évènement à un office religieux, organisé par la compagnie elle-même dans une église, ne peut, à lui seul, être regardé comme la manifestation de convictions religieuses dans le cadre du service public ni comme relevant de l’exercice d’un culte. Il s’ensuit qu’en autorisant les militaires de la gendarmerie du Gard à assister, durant le service et en uniforme de cérémonie, à l’office religieux célébré le 30 novembre 2018 dans une église de Nîmes, le chef du groupement de gendarmerie du Gard n’a méconnu ni les principes de laïcité et de neutralité du service public ni les dispositions précitées des articles L. 4121-2 du code de la défense et R. 434-32 du code de la sécurité intérieure ».
Il est à noter que dans le cadre de l’affaire jugée par le Tribunal Administratif de Lyon, les gendarmes devaient se rendre « en uniforme » à cet office, alors que dans le cadre de l’affaire jugée par le Tribunal Administratif de Nîmes, le port de l’uniforme était facultatif.