Nombre de recours exercés contre des permis de construire apparaissent fondés sur des moyens souvent étrangers au respect des dispositions d’urbanisme applicables. Mais cette seule circonstance ne suffit pas à établir que ces recours sont abusifs.
Lorsque le législateur a introduit l’article L. 600-7 au sein du code de l’urbanisme permettant de sanctionner financièrement les auteurs de recours abusifs à l’encontre d’autorisations d’urbanisme, certains ont pu espérer que la mise en œuvre de cette disposition par le juge administratif aurait un effet dissuasif à l’encontre de requérants quelque peu « téméraires ».
L’article L.600-7 du Code de l’urbanisme prévoit en effet que :
« Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel ».
Pourtant, le juge administratif n’a que très rarement prononcé des condamnations sur ce fondement, en rappelant le droit au recours, contre des autorisations d’urbanisme, aux personnes ayant intérêt à agir; le juge administratif, rejetant les demandes de dommages et intérêts fondés sur l’article L 600-7 par la formule habituelle :
« Il ne résulte pas de l’instruction que le droit de X à former un recours contre le permis de construire litigieux aurait été mis en œuvre dans des conditions qui traduiraient de sa part un comportement abusif ».
Le juge administratif fait donc un usage retenu, voir timide, des dispositions de l’article L. 600-7 précité.
On relèvera que l’article L. 600-7 n’est ouvert que dans le cadre de la contestation du permis de construire, de permis de démolir ou d’aménager et non dans le cadre d’une décision contestation d’une décision de non-opposition à déclaration préalable (Cour Administrative d’Appel de Marseille, 14 novembre 2024, n 23MA01373).
On observera que, quand bien même le juge considérerait que le recours traduit un recours abusif, encore faut-il que le pétitionnaire justifie d’un préjudicie direct et certain pour pouvoir en obtenir l’indemnisation :
« Alors au demeurant que la requête, qui n’apparaît pas motivée par des considérations tirées du respect des règles d’urbanisme, doit être regardée comme traduisant un comportent abusif de la commune de Wolfisheim, la SCI Arefim ne peut être regardée comme justifiant du préjudice allégué, tiré de la perte des revenus de placement qu’aurait généré la plus-value résultant de la cession de la construction immobilière réalisée si la vente avait pu être conclue au 30 février 2024, en se bornant à produire un simple tableau de synthèse des coûts de construction exposés et un document publicitaire de sa banque exposant ses diverses ores de placement de trésorerie. Il s’ensuit que sa demande indemnitaire en application des dispositions précitées doit, pour ce motif, être rejetée ».
(Cour Administrative d’Appel de Nancy, 17 octobre 2024, n° 23NC02531)
Dans ce contexte, on relèvera la récente décision du Tribunal Administratif de Montreuil (Tribunal Administratif de Montreuil, 14 novembre 2024, n° 2304169) qui fait droit à la demande fondée sur l’article L.600-7 à hauteur de 2 000 € sur un préjudice estimé par le demandeur à 70 996 €uros…
Le Tribunal a effet considéré que :
« Pourtant clairement informés du projet des pétitionnaires avant même d’acquérir le bien, qui, contrairement à ce qu’ils soutiennent, d’ailleurs avec une particulière mauvaise foi, n’a pas évolué entre le moment où la vente a été conclue et où la demande de permis de construire a été déposée, M. et M F n’ont toutefois eu de cesse que d’empêcher sa réalisation, alors que le projet porté par les pétitionnaires est de faible envergure, qu’il ne créée aucune vue directe sur leur propriété, et qu’il s’inscrit pleinement dans le cadre pavillonnaire du quartier, tout d’abord, par l’exercice de leur recours gracieux du 16 décembre 2022, puis par l’introduction de leur requête, le 6 avril 2023, qu’ils ont maintenue et largement développée par la production de six mémoires, en dépit de la délivrance, le 26 avril 2023, en cours d’instance, à la demande de M. et M C, d’un permis de construire modificatif modifiant l’implantation du pavillon projeté, et dans leur intérêt exclusif, an de préserver au mieux l’ensoleillement de leur terrasse. Les requérants ont également refusé, sans la moindre explication, le 28 avril 2023, la proposition de médiation qui leur a été adressée le 14 avril 2023 par le tribunal. Dans ces conditions, et en dépit de leur qualité de voisins immédiats du pavillon projeté, le droit de M. et M F à former un recours contre les permis de construire litigieux a été mis en œuvre, au cours de la présente instance, dans des conditions qui traduisent un comportement abusif et que leur recours pour excès de pouvoir excède la défense de leurs intérêts légitimes ».
Le Tribunal, par ce même jugement, a également condamné les requérants à une amende de 2 000 € sur le fondement de l’article R. 741-12 du Code de Justice Administrative.
Il s’agit là d’une avancée dans l’application des dispositions de l’article L. 600-7 ayant pour vocation de lutter contre les recours abusifs, mais d’une application… encore bien timide et peu dissuasive.