La régularisation d’un permis de construire, par l’obtention d’un permis de construire modificatif est largement admis par la jurisprudence, qu’il s’agisse de la régularisation d’une règle de fonds, comme d’une règle de forme.
Le Conseil d’Etat (CE, 17 juin 2024, n° 471711) vient d’apporter un réel « bémol » à cette possibilité de régularisation, en retenant que la régularisation ne pouvait être acquise que si le permis modificatif avait pour objet la régularisation du vice et non pas seulement pour effet de régulariser le vice.
Dans cette affaire, le permis de construire initial était entaché d’un vice d’incompétence (l’adjoint ayant signé le permis de construire initial n’avait pas régulièrement reçu délégation du maire pour signer ledit permis de construire). Le bénéficiaire du permis de construire avait, par la suite, obtenu un permis de construire modificatif portant sur l’augmentation du volume du bâtiment et le déplacement d’une porte, ce permis modificatif ayant bien été signé par une autorité compétente.
La Cour Administrative d’Appel de Nancy (CAA Nancy, 20NC00260, 20NC00326 du 29 décembre 2022) avait considéré que l’obtention de ce permis de construire modificatif signé par une autorité compétente avait eu pour effet de régulariser le vice initial, lié à l’incompétence du signataire du permis de construire.
Le Conseil d’Etat a lui considéré que :
« Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel de Nancy a jugé que le permis de construire modificatif délivré le 15 décembre 2020 à la société pétitionnaire, dès lors qu’il l’avait été compétemment, avait eu pour effet de régulariser le vice tenant à l’incompétence du signataire de l’arrêté du 6 décembre 2019, alors même que ce permis de construire modificatif n’avait pas été délivré dans le but de régulariser la compétence de son signataire et qu’il n’avait eu pour objet et pour effet que de modifier une partie du permis de construire. En déduisant ainsi de la seule circonstance que le permis de construire modificatif avait été délivré par l’autorité compétente qu’il pouvait être regardé comme ayant régularisé le vice d’incompétence dont était entaché le permis initial, alors qu’il lui appartenait de rechercher s’il résultait des pièces du dossier, tels que la chronologie dans laquelle s’inscrivait la demande de permis modificatif ou les échanges intervenus avec la commune à l’occasion de son instruction, que ledit permis modificatif avait eu en l’espèce cet objet de régularisation, la cour administrative d’appel de Nancy a entaché son arrêt d’erreur de droit ».
Dans ses conclusions, le Rapporteur Public, Monsieur Jean-François De Montgolfier, précisait que : « il y a donc une logique à ce que la régularisation ne puisse plus être regardée comme un simple effet, parfois même incident, du permis modificatif mais qu’il doive désormais être établi, lorsqu’elle résulte d’un tel permis modificatif, qu’elle a été sollicitée à cette fin ».
Ainsi, pour que la régularisation soit considérée comme acquise, il appartient donc à celui qui sollicite le permis de construire modificatif de régularisation, de justifier de son « intention » de régulariser ledit vice.
Il convient donc, dans les demandes de régularisation, de veiller à identifier les vices dont on sollicite la régularisation, le juge contrôlant « l’objet » de la demande et non simplement « l’effet ».
Vincent LACROIX
Avocat Associé