Le Conseil d’Etat, par une décision du 18 mars 2024, est venu rappeler qu’en matière de propriété des infrastructures de télécommunications non privatives établies avant le 1er juillet 1996, il existe une présomption de propriété de la Société Orange, et ce, même en l’absence de titre.
Par cet arrêt (N°470162), la Haute Juridiction, amenée à trancher un litige opposant la Ville d’Aix-en-Provence à l’opérateur historique, s’agissant de vingt-cinq titres exécutoires d’un montant total de 557 356,52 euros émis à l’encontre de ce dernier, a annulé l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Marseille, laquelle avait, à tort, considéré que la Commune, propriétaire du sol des zones d’aménagement concerté en cause, en application de l’article 552 du Code civil, devait être regardée comme également propriétaire des infrastructures de génie civil enfouies dans le sous-sol.
Il ressort des éléments de la situation que le conseil municipal d’Aix-en-Provence avait fixé à 0,98 euro hors taxes par mètre linéaire les frais de location afférents à toute occupation de fourreaux et infrastructures de télécommunications appartenant à la Commune. Dans ce cadre, la Maire d’Aix-en-Provence avait émis à l’encontre de la Société Orange vingt cinq titres de recettes d’un montant global de 557 356,52 euros en vue du recouvrement des sommes qu’elle estimait dues à raison de l’utilisation par le Société, pendant l’année 2016, des infrastructures de télécommunications appartenant à la Commune dans vingt-cinq zones d’aménagement concerté.
La Société Orange avait saisi le Tribunal Administratif de Marseille d’une opposition à ces titres exécutoires, en faisant, notamment valoir qu’elle était propriétaire d’une très grande partie des fourreaux et infrastructures sur lesquels la Commune entendait percevoir des frais de location, dès lors que l’essentiel de ces installations avaient été posées avant le 1er juillet 1996, à une époque où l’Etat, puis l’exploitant public France Télécom, dont les biens ont été transférés par l’article 1er de la loi du 26 juillet 1996, disposaient du monopole pour établir des réseaux de télécommunications, et ce, en vertu de l’article L. 33-1 du Code des postes et télécommunications.
Par un jugement du 12 juillet 2019, le Tribunal Administratif de Marseille a fait droit à cette opposition et a déchargé la Société Orange de l’obligation de payer la somme susvisée, la Commune n’établissant pas être propriétaire des installations en cause.
Par un arrêt en date du 14 novembre 2022, la Cour Administrative d’Appel de Marseille a remis à la charge d’Orange l’essentiel des sommes litigieuses, arrêt contre lequel la Société Orange s’est pourvue en cassation.
Le Conseil d’Etat a ici entendu rappeler que si la Commune d’Aix-en-Provence, comme toute personne publique, était propriétaire du sous-sol des parcelles comprises dans son domaine public comme dans son domaine privé, cette qualité de propriétaire ne s’étendait pas aux lignes de télécommunications et aux infrastructures qui leur sont nécessaires, situées sur ces parcelles ou dans leur tréfonds, lesquelles, établies avant le 1er juillet 1996, sont présumées appartenir à Orange.
Cette présomption reste établie, selon la Haute Juridiction, alors même que la Société ne disposerait d’aucun titre de propriété, les infrastructures dont il s’agit, n’étant pas susceptibles d’être l’objet du droit d’accession relatif aux choses immobilières prévu par les articles 552 à 564 du code civil.
Le Conseil d’Etat a précisé qu’il appartenait à la collectivité publique revendiquant la propriété de telles infrastructures, de faire échec à cette présomption, notamment, en établissant qu’elle en avait assuré la maîtrise d’ouvrage et le financement ou qu’elles lui ont été remises lorsque l’aménagement a été délégué à un concessionnaire.
Pour les infrastructures établies à compter du 1er juillet 1996, elles ne peuvent davantage être objet du droit d’accession, l’identité du propriétaire devant être déterminée au vu de l’ensemble des éléments produits par chacune des parties.
En tout état de cause, il est rappelé qu’il appartient au juge administratif saisi d’un litige relevant de sa compétence de se prononcer sur la question de la propriété, sous réserve de la question préjudicielle dont il lui appartiendrait de saisir la juridiction judiciaire en cas de difficulté sérieuse.
Au final, il a été jugé que la Société Orange était fondée à soutenir que la juridiction d’appel avait entaché son arrêt d’une erreur de droit en se fondant sur l’article 552 du code civil et en retenant que le monopole reconnu avant le 1er juillet 1996 à l’exploitant public France Télécom pour établir des réseaux de télécommunications ne s’étendait pas aux infrastructures de génie civil destinées à les accueillir, pour regarder la Commune d’Aix-en-Provence comme propriétaire des installations de télécommunications en cause.
Dans ces conditions, il a été fait droit aux demandes de la Société Orange, l’arrêt de la CAA de Marseille ayant été annulé, la position de l’opérateur historique ayant été considérée comme juridiquement fondée, l’affaire ayant été renvoyée devant la Cour Administrative d’Appel de Marseille.