Deux arrêts récents de Cours administratives d’appel viennent confirmer que des données démographiques obsolètes, erronées ou incomplètes, peuvent conduire à l’annulation pure et simple d’un PLUi ou d’un SCOT.
Dans le cadre de la contestation d’un PLUi adopté le 16 décembre 2019, un requérant faisait valoir que les données démographiques sur lesquelles se fondait la Communauté de Communes étaient obsolètes et que les perspectives de croissance démographiques sur le territoire étaient erronées.
Dans le cadre de la contestation d’un PLUi adopté le 16 décembre 2019, un requérant faisait valoir que les données démographiques sur lesquelles se fondait la Communauté de Communes étaient obsolètes et que les perspectives de croissance démographiques sur le territoire étaient erronées.
Si le Tribunal Administratif de Rennes (TA Rennes, 7 octobre 2020, n° 2000820) a rejeté la requête, la Cour Administrative d’Appel de Nantes (CAA Nantes, 26 mars 2024, n° 22NT03863) a, en revanche, suivi cette argumentation pour annuler, dans sa totalité, le PLUi valant SCOT.
La Cour a tout d’abord relevé que le PLUi adopté en 2019 se fondait sur un diagnostic démographique contenant des données datant de 2012 et que l’objectif de croissance annuelle retenu de 1.7% apparaissait nettement supérieur au taux de croissance constaté entre 2012 et 2019, s’établissant à environ 1%.
La Cour a ainsi considéré que :
« Questembert communauté avait connaissance des évolutions démographiques récentes qui donnaient à l’objectif de croissance démographique retenu pour le territoire à l’échéance 2029 un caractère disproportionné, elle ne pouvait poursuivre l’élaboration de son PLUi sans en tenir compte au sein de son rapport de présentation qui vise, aux termes de l’article L. 151-4 précité, à expliquer et justifier les choix retenus pour établir le projet d’aménagement et de développement durables, les orientations d’aménagement et de programmation ainsi que le règlement. Dans ces conditions, les insuffisances du rapport de présentation du plan local d’urbanisme intercommunal entachent d’illégalité la délibération contestée ».
La Cour a ensuite considéré, après avoir rappelé que le juge administratif exerce un simple contrôle de compatibilité entre les règles fixées par le PLUi et les dispositions de l’article L. 101-2 du Code de l’Urbanisme (relatif aux objectifs que les auteurs du PLU doivent prendre en compte et atteindre), que :
« Les objectifs de croissance démographique définis par la communauté de communes Questembert communauté ont eu une incidence sur les objectifs retenus en matière de construction de logements et de consommation foncière et ce dernier objectif n’apparaît, à la date de la délibération contestée, compatible ni avec les besoins réels de la commune en matière de logement, ni avec la maîtrise du développement urbain, ni avec une utilisation économe des espaces naturels. Dans ces conditions, et en dépit de ce que la consommation d’espace projetée serait moins importante que celle qu’a connue le territoire au cours de la période précédente, le PLUi contesté doit être regardé comme incompatible avec le principe d’équilibre résultant du 1° de l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme ».
En conséquence, la Cour Administrative d’Appel de Nantes a annulé le PLUi, valant SCOT, dans sa totalité.
La Cour administrative d’appel de Nancy (CAA Nancy, 11 avril 2024, n°23NC00784, 23NC01158) a elle confirmé l’annulation du SCOT de l’agglomération Thionvilloise prononcée par le Tribunal administratif de Strasbourg, en considérant que le rapport de présentation était insuffisant d’une part, et que les objectifs de consommation foncière étaient excessifs d’autre part.
Il convient de souligner que dans le cadre de la procédure du SCOT, tant la MRAe, que le Préfet de la Moselle et la Région Grand-Est, avaient remis en cause les prévisions démographiques du Syndicat Mixte porteur du projet :
« Ils les considèrent, et ce sur le fondement de données forcément antérieures à l’adoption de la délibération contestée, largement surestimées et ce sur la base d’une méthodologie elle-même floue et ne prenant pas en compte le ralentissement de l’accroissement dans la population pourtant effectivement constaté dans le territoire couvert par le SCOTAT. Le syndicat mixte, qui qualifie lui-même ses prévisions de « volontaristes », soutient que celles-ci sont fondées sur des chiffres plus pertinents et récents que ceux fondant les analyses des différentes personnes publiques associées, que le territoire couvert par le SCOTAT bénéficie d’une dynamique d’emploi, en raison des flux transfrontaliers avec le Luxembourg mais également de l’existence de l’opération d’intérêt national Alzette-Belval, qui permettra l’accueil de 8 000 logements et 20 000 habitants. Toutefois les documents fournis par l’appelant ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions concordantes de trois personnes publiques associées distinctes qui émettent les mêmes doutes non seulement sur la pertinence des projections démographiques mais également sur les conclusions pratiques qu’en tire le syndicat mixte et leur déclinaison concrète sur l’intégralité du territoire couvert par le document de planification. Par conséquent, le rapport de présentation est entaché d’une première insuffisance. »
La Cour a confirmé également l’analyse du Tribunal administratif de Strasbourg qui a estimé que le rapport de présentation prenait insuffisamment en compte la mobilisation des logements vacants, et ne présentait pas « une justification suffisante du nombre de logements remis annuellement sur le marché à ce titre ».
En conséquence, la Cour Administrative d’Appel de Nancy a confirmé l’annulation du SCOT, dans sa totalité.
Les juridictions administratives et les requérants étant particulièrement vigilants quant à la consommation foncière, et aux prévisions démographiques, les collectivités doivent elles-mêmes redoubler de vigilance sur ces données.