L’article R.2122-3 du Code de la Commande Publique autorise un acheteur public « à passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsque les travaux, fournitures ou services ne peuvent être fournis que par un opérateur économique », lorsque « le marché a pour objet la création ou l’acquisition d’une œuvre d’art ou d’une performance artistique unique ».
Le principe d’une mise en concurrence préalable à la commande d’une œuvre d’’art existante ou à créer peut paraître quelque surprenant dans un domaine où l’intuitu personae semble avoir toute sa place.
Pour autant, pour le juge administratif, si l’absence de mise en concurrence peut se justifier, encore faut-il pouvoir démontrer que la commande ne peut être fournie que par un opérateur économique unique.
Ainsi, le Conseil d’Etat (CE, 8 décembre 1995, n° 168253, Leb) a pu considérer que la commande, sans mise en concurrence préalable, d’une fontaine à réaliser sur la place du marché de Bastia, à un sculpteur et à un tailleur de pierre était irrégulière car le caractère original de l’œuvre, la nécessité de compétences spécifiques et l’exigence d’un talent artistique « ne suffisent pas à établir que les personnes retenues étaient les seules à pouvoir réaliser les travaux en cause ».
Dans le même sens, la Cour Administrative d’Appel de Marseille (CAA Marseille, 30 septembre 2013, n° 11MA00299) a considéré que la commande, par le Maire de la Commune de Barcarès d’une sculpture monumentale pour un montant de 84 000 euros HT ne pouvait être acquise sans mise en concurrence préalable d’une part, car l’œuvre n’était pas préexistante mais qu’il s’agissait d’une œuvre à réaliser et, d’autre part, que la Commune « n’établit pas que des raisons artistiques particulières, lesquelles ne sont pas mêmes exposées, auraient exigé que la commande d’une sculpture monumentale soit exclusivement confiée à cet artiste» .
A contrario, le Tribunal Administratif de Nice (TA Nice, 23 février 2024, n° 2400418) dans le cadre d’une procédure en référé a rendu une ordonnance rejetant la demande de suspension sollicitée par le Préfet, en considérant que la commande, pour la conception et la réalisation d’une statue de Jeanne d’Arc dans le cadre de l’aménagement d’un parc de stationnement sans publicité, ni mise en concurrence, par la Régie « Parc Azur » était régulière (tout au moins ne créait pas de doute sérieux sur la légalité de la décision) dès lors que la Régie « justifie, en l’état de la procédure, d’une part, qu’elle ne pouvait être confiée qu’à un opérateur économique unique, l’atelier Missor, pour des raisons artistiques et techniques tenant à son caractère propre et, d’autre part, que le marché a été régulièrement passé en suivant la procédure de l’article R. 2122-3 du Code de la Commande Publique »
Dans son ordonnance, le Tribunal écarte également la critique du Préfet relative à l’absence d’allotissement (entre la statue et le socle), en retenant « la particularité de l’œuvre commandée et du caractère indissociable de la statue et de son socle ».
Il ressort de ces décisions que pour se prévaloir des dispositions de l’article R. 2122-3 du Code de la Commande Publique, qu’il s’agisse de la création d’une œuvre ou de l’acquisition d’une œuvre existante, les acheteurs publics devront être en mesure de justifier que la commande « ne peut être fournie que par un opérateur économique », le débat sur le « caractère unique » d’une œuvre d’art reste ouvert…