Le juge des référés du Tribunal de Cergy-Pontoise a, dans une décision du 1er février 2024 (n°2400163), sur le fondement de la QPC rendue par le Conseil constitutionnel le 8 décembre 2023, considéré que l’absence d’information dans la lettre de convocation devant la commission disciplinaire d’un conducteur de taxi, du droit dont il dispose à garder le silence, est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la sanction disciplinaire prise à son encontre.
Dans le cadre d’une décision n°2023-1074 QPC du 8 décembre 2023, le Conseil constitutionnel avait considéré que :
« Aux termes de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Il en résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Elles impliquent que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire. »
Par suite, et en application de cette décision, le juge des référés du Tribunal de Cergy-Pontoise a fait application de ce principe à une procédure disciplinaire diligentée à l’encontre d’un conducteur de taxi.
Dans le cadre du référé suspension introduit à l’encontre de la décision du préfet de police de retrait de la carte professionnelle d’un conducteur de taxi pour une durée d’un an, le juge des référés a, après avoir cité la décision du 8 décembre 2023, estimé que :
« Dès lors que la lettre de convocation adressée le 24 août 2023 n’a pas informé M. X… préalablement à sa comparution devant la commission de discipline le 14 septembre 2023 du droit qu’il avait de se taire, la décision est entachée d’un vice dans la procédure administrative préalable. Eu égard à l’obligation pour le conducteur de taxi de se présenter personnellement en vertu de l’article 6 de l’arrêté n° 2022-0453 du 5 mai 2022 sous peine d’ un avis rendu par défaut à l’encontre du conducteur prévu à son article 7 et aux pouvoirs très étendus des membres de la commission qui peuvent poser des questions aux conducteurs, convoquer des experts, des témoins et des plaignants et procéder à une confrontation des témoins ou des plaignants en vertu de son article 10, l’information préalable du droit à garder le silence devant cette commission de discipline constitue une garantie. Par suite, le vice affectant le déroulement de la procédure administrative préalable suivie à titre obligatoire à l’encontre de M. X… est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité la décision. »
Certes, cette jurisprudence est relative à la procédure disciplinaire engagée à l’encontre d’un conducteur de taxi, le juge relevant que la procédure disciplinaire confie des pouvoirs étendus à la commission de discipline, si bien que l’information du conducteur de son droit à garder le silence constituait une garantie.
Néanmoins, nous ne voyons pas d’obstacle à ce que ce moyen soit, au moins sur le principe, applicable à toute procédure disciplinaire, et donc, à celle dont peut faire l’objet un agent public. Il appartiendra au juge de déterminer s’il s’agit d’un vice « Danthonysable » ou non, compte tenu des garanties qui sont accordées à l’agent au cours de la procédure disciplinaire, qui reçoit communication à l’avance du rapport de saisine du conseil de discipline et peut consulter son dossier individuel.
Aussi, et tant que les juges du fond ne se sont pas prononcés sur le bien fondé d’un tel moyen, et notamment s’agissant de la procédure disciplinaire des agents publics, la prudence devrait conduire les employeurs publics à signifier, dans cette attente, lorsqu’ils informent l’un de leur agent public qu’il fait l’objet d’une procédure disciplinaire, du droit dont il dispose de faire des observations orales ou écrites, de se faire accompagner de la personne de son choix mais également de son droit à garder le silence.