CE 15 janvier 2024, Commune de Samoëns, n° 489157
Le Conseil d’État a récemment statué sur la compétence du juge du référé mesure utile en matière de tarification des concessions.
En l’espèce la commune de Samoëns a confié à la société Grand Massif Domaines Skiables (GMDS) la construction et l’exploitation de son domaine skiable par une convention de concession. Le 4 septembre 2023, le conseil municipal a adopté les nouveaux tarifs pour la saison à venir, à la fois pour le forfait d’accès à son propre domaine skiable et pour le forfait « Grand Massif », permettant l’accès aux domaines de Samoëns ainsi qu’à ceux de cinq autres autorités concédantes, formant ensemble le « Grand Massif ». Cependant, cette décision de tarification pour le forfait « Grand Massif » n’était pas couverte par les contrats de concession existants et a été fixée à un niveau plus bas que celui proposé par la GMDS et approuvé par les autres autorités concédantes. En réaction, la GMDS a choisi de vendre le forfait « Grand Massif » au tarif convenu par ces autres autorités. La commune de Samoëns a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, pour demander que la GMDS soit contrainte de respecter les tarifs fixés par son conseil municipal pour la commercialisation du forfait « Grand Massif ». Toutefois, par un jugement en date du 17 octobre 2023, contre laquelle la municipalité de Samoëns a formé un pourvoi en cassation, le juge des référés a refusé de faire droit à cette demande.
Le Conseil d’Etat est ainsi saisi sur la question de savoir si le juge du référé mesure utile peut intervenir dans la tarification d’une concession.
Dans sa décision, le Conseil d’État réaffirme un principe juridique bien établi : le juge administratif ne peut normalement pas s’immiscer dans l’exécution d’un marché public en émettant des injonctions aux contractants, si l’administration a déjà les moyens nécessaires pour faire respecter le contrat. Toutefois, si l’administration ne peut exercer de contrainte sur son cocontractant qu’avec une décision de justice l’intervention du juge est alors envisageable.
Le Conseil d’État précise ensuite que, selon l’article L. 521-3 du code de justice administrative, le juge des référés peut agir dans l’exécution d’un marché public, y compris pour la tarification d’une concession, mais uniquement en situation d’urgence. Le juge peut alors ordonner provisoirement toute mesure nécessaire à la continuité ou au bon fonctionnement du service public, à condition que cette mesure soit urgente, utile, ne contrevenant à aucune décision administrative et non sérieusement contestable.
En l’espèce, le Conseil d’État valide la décision du tribunal administratif de Grenoble, estimant que la commune n’avait pas démontré l’urgence nécessaire pour justifier une injonction.
Anaïs MESSAI
Avocate