Par un jugement du 30 mai 2023, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé dans son intégralité la délibération du Comité Syndical du Pays de Maurienne approuvant le SCoT du Pays de Maurienne, et a rappelé à cette occasion l’importance de la prise en compte des enjeux environnementaux dans l’élaboration des documents d’urbanisme.
TA Grenoble, 30 mai 2023, Assoc. VNEA et FNE-AURA c/ DCFA
Si la juridiction reconnaît le caractère proportionnel du rapport de présentation et de l’évaluation environnementale eu égard à l’importance du SCoT et aux enjeux environnementaux du secteur, elle estime qu’en raison de l’intention de créer des unités touristiques nouvelles (UTN) structurantes, le SCoT aurait dû faire l’objet d’une évaluation environnementale plus spécifique. Sur ce point, le Tribunal administratif, d’une part, juge que l’évaluation environnementale est insuffisante s’agissant des solutions de substitution raisonnable et de justifications des choix opérés, et d’autre part, estime que cette insuffisance a été de nature à exercer une influence sur la délibération contestée.
En effet, malgré la présence d’objectifs de préservation de l’environnement et des paysages au sein du PADD, le Tribunal émet des réserves sur les effets de ces incitations pour une protection effective des milieux naturels et des ressources. Dans une approche in concreto, la juridiction considère que la création de 22 800 lits touristiques, de dix UTN structurantes dont sept visant à l’extension en altitude des assiettes gravitaires des domaines skiables et à l’extension par liaisons entre domaines skiables, sans aucune autre perspective raisonnable, témoigne d’une incompatibilité du projet de SCoT avec les objets du PADD et du DOO.
Sur les dix UTN prévues par le SCOT, le Tribunal administratif considère que sept sont entachées d’erreur manifeste d’appréciation. En se fondant sur les études fournies par l’association France Nature Environnement (FNE), la juridiction analyse l’impact des travaux et autres constructions sur les zones humides. Selon les zones affectées, entre 40 et 66% des zones humides sont susceptibles d’être fragilisées, notamment en raison des risques de pollution aux hydrocarbures, de destruction de plusieurs habitats et de l’absence de mesures ERC.
Le Tribunal administratif de Grenoble exerce en l’espèce un contrôle approfondi des choix opérés par les auteurs du SCoT, notamment en matière de nombre de lits. Après avoir rappelé le contexte de diminution de la fréquentation des stations de sports d’hiver, la juridiction souligne que l’augmentation de nombre de lits d’une qualité supérieure, sans réflexion sur la réhabilitation des lits existants et des cœurs de station, entraîne nécessairement l’élargissement de l’emprise urbanisée et un étalement urbain incontrôlé dans des zones sensibles de montagne. Le SCoT tel qu’adopté par le Comité Syndical du Pays de Maurienne est alors déclaré contraire au principe d’équilibre prévu à l’article L.101-2 du Code de l’urbanisme.
Invité à moduler les effets de l’annulation du SCoT dans le temps, le juge administratif a estimé que la circonstance que des PLU soient en cours d’élaboration sur le fondement du SCoT annulé ne justifie pas une telle modulation.
L’annulation totale d’un SCoT reste rare, mais cette décision montre que le juge administratif exerce un contrôle de plus en plus poussé au regard des enjeux environnementaux et de la consommation de l’espace.
Lucas Marciot