Par un arrêt en date du 15 mars 2023, n°465171, le Conseil d’Etat a été amené à concilier le secret des affaires avec le principe selon lequel les contrats de la commande publique et les documents qui s’y rapportent, y compris les documents relatifs au contenu des offres, sont des documents administratifs communicable au sens de l’article L. 300-2 du Code des relations entre le public et l’administration.
Conseil d’Etat, 15 mars 2023, n°465171
Pour rappel, le Parlement de l’Union Européenne adoptait en 2016 une directive visant à instaurer un cadre juridique harmonisé, dans chaque pays membres, afin d’assurer le secret des affaires. Le but affiché était de garantir une même protection pour toutes les entreprises des savoir-faire et des informations commerciales.
Transposée en France par la loi du 30 juillet 2018 et son décret du 11 décembre 2018, cette protection du secret des affaires, venue en remplacement du secret industriel et commercial, s’inscrit dans les nouvelles dispositions de l’article L.151-1 du Code du commerce :
« Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :
1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;
2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. »
Dans les faits de l’espèce, la Société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information (SOMUPI) a formé un pourvoi en cassation contre la décision du Tribunal administratif de Paris qui ne faisait pas droit à sa demande. En l’espèce, la Ville de Paris refusait de lui communiquer le rapport d’analyse des offres présentées pour l’attribution d’une conception de services et ce même dans une version occultée.
Dans son considérant 7, le Conseil d’État est venu poser le principe selon lequel :
« il revient aux juges du fond d’examiner si, par eux-mêmes, les renseignements contenus dans les documents dont il est demandé la communication peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication en application des dispositions de l’article L. 311-6 du même code. Les documents et informations échangés entre l’administration et un candidat lors de la phase de négociation d’un contrat de la commande publique, dès lors qu’ils révèlent par nature la stratégie commerciale du candidat, entrent dans le champ du 1° de l’article L. 311-6 et ne sont, par suite, pas communicables. »
Concrètement, cela implique que désormais, toute saisine de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) en vue d’obtenir communications d’informations échangées pendant les négociations d’un contrat est vaine, dès lors qu’elle concerne un document qui « par nature » relève de la stratégie commerciale du candidat.
En l’occurrence, cette position n’est pas coutume pour le Conseil d’État qui reconnaît ainsi qu’un pan entier du droit n’entre plus dans le champ de la transparence et de la communication.
En la matière, il considérait, par exemple, que seuls les bordereaux de prix unitaires n’était pas, par nature, communicable dans sa décision du 30 mars 2016, « Centre hospitalier de Perpignan »,.
Ici, sa position semble plus étonnante. Elle s’inscrit dans une certaine rupture, découlant, sans doute, du respect du secret des affaires tel que défini par le droit de l’Union.
Constant DEVAUX