Par un arrêt en date du 18 octobre 2022, la Cour administrative d’appel de Toulouse a jugé qu’un arrêté de péril imminent doit faire apparaître les éléments justifiant le recours au pouvoir de police spéciale.
Cour administrative d’appel de Toulouse, 18 octobre 2022, n° 20TL03227
Le maire de la commune d’Escales, en date du 22 juillet 2019, a pris un arrêté de péril imminent enjoignant aux propriétaires de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser ledit péril.
Les propriétaires du bien faisant l’objet de l’arrêté de péril ont demandé au Tribunal administratif de Montpellier d’annuler l’arrêté du 22 juillet 2019 de péril imminent pris par le maire de la commune d’Escales.
Par un jugement du 29 juin 2020, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Les propriétaires ont fait appel dudit jugement.
La Cour administrative d’appel de Toulouse a annulé le jugement du 29 juin 2020 du Tribunal administratif de Montpellier en considérant que :
« 3. Les procédures de péril ou de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l’habitation auxquels renvoie l’article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, doivent être mises en œuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres. Elles se distinguent en cela des pouvoirs reconnus au maire par l’article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, qui s’appliquent dans l’hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d’une cause qui lui est extérieure. Il n’y a pas lieu, pour déterminer les champs respectifs de ces deux procédures, d’avoir recours à un critère tiré de l’origine naturelle ou artificielle du danger. En revanche, la conception et l’exécution d’une construction inadaptée au terrain d’assise, doit faire regarder comme établie l’existence d’une cause propre à l’immeuble, prépondérante du péril justifiant l’intervention d’un arrêté de péril imminent sur le fondement des dispositions précitées.
4.Il ressort des conclusions du rapport d’expertise du 22 juillet 2019 que le talus sur lequel est implantée la construction de deux étages dont les consorts B… sont propriétaires, est composé en partie basse de murs en pierres maçonnés venant se bloquer sous les blocs massifs de rocher constituant l’assise des murs des bâtiments. Il ne résulte ni de ses conclusions ni d’aucune autre pièce versée au dossier que le talus rocheux serait soutenu par le mur de pierres maçonnées ni que le talus et l’immeuble des intéressés constitueraient un tout indissociable. Il résulte, en revanche, de ses conclusions que le péril imminent sur le fondement duquel le maire d’Escales a pris son arrêté, a pour origine les désordres graves affectant le talus servant de terrain d’assise à la construction des appelants. À cet égard, la commune ne peut utilement faire valoir en défense la circonstance que le diagnostic géotechnique de l’éperon rocheux réalisé le 19 novembre 2019 relève que l’absence de collecte des eaux des toitures des constructions qui surmontent l’éperon rocheux favorise son altération et le développement de la végétation, dès lors que l’arrêté de péril imminent du 22 juillet 2019 n’a pas été pris par le maire au vu de cet élément. Dès lors qu’il n’est ni établi ni même allégué que la conception et l’exécution de la construction des appelants serait inadaptée au terrain rocheux d’assise, le péril grave et imminent ne pouvait être regardé comme provenant à titre prépondérant des causes propres de leur immeuble. Par suite, le maire d’Escales ne pouvait légalement faire usage des pouvoirs qu’il tire de l’article L. 511-3 du code de la construction et de l’habitation pour prendre l’arrêté du 22 juillet 2019 et cet arrêté doit être annulé.»
Par cet arrêt la Cour administrative d’appel de Toulouse rappelle les conditions de la mise en œuvre des pouvoirs de police spéciale du maire en matière de police des bâtiments en ruine, à savoir que ce pouvoir de police doit être mis en œuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres, lesquelles peuvent résulter de la conception et de l’exécution d’une construction inadaptée au terrain d’assise. Dans l’hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d’une cause qui lui est extérieure, alors le maire doit faire usage de son pouvoir de police générale.
La Cour rappelle également, dans cette décision, qu’il n’y a pas lieu, pour déterminer les champs respectifs de ces deux procédures, prises en application des dispositions de l’article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales ou de l’article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, d’avoir recours à un critère tiré de l’origine naturelle ou artificielle du danger.
On relèvera que dans cet arrêt, la Cour a considéré qu’une étude géotechnique intervenue le 19 novembre 2019, soit postérieurement à l’arrêté du 22 juillet 2019, laquelle identifiait des causes propres à l’immeuble ne pouvait valablement fonder l’arrêté du 22 juillet 2019, dès lors que cet arrêté n’avait pas été pris par le maire au vu de cet élément mais au regard du rapport d’expertise du 22 juillet 2019, lequel, lui, concluait que le péril imminent avait pour origine les désordres graves affectant le talus servant de terrain d’assise à la construction frappée de l’arrêté de péril.
Il résulte de cet arrêt que l’arrêté de péril imminent doit donc faire apparaître les éléments justifiant le recours au pouvoir de police spéciale qui doivent permettre de s’assurer que la cause est bien propre à l’immeuble.