Dans cette affaire, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux avait à juger du refus, opposé par la préfète de la Charente, de délivrer une autorisation environnementale pour l’exploitation d’un parc éolien (de 5 aérogénérateurs), que le pétitionnaire avait contesté en justice.
CAA de Bordeaux, 12 octobre 2022, n°20BX00433
Sur le fond, la Cour considère qu’aucun des motifs de refus opposé n’était valable. Plus précisément (et classiquement), le contrôle du juge administratif s’opère sur le fondement de l’article L.511-1 du Code de l’environnement, qui liste les « intérêts protégés » que doivent respecter les installations « qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ».
Tout d’abord, la Cour juge qu’un motif tiré d’une opposition locale ne se rattache à aucun des intérêts mentionnés par les dispositions des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l’environnement, et ne peut pas fonder un refus d’autorisation d’implanter et d’exploiter un parc éolien. Ainsi, le motif de refus tiré de « l’opposition très majoritaire des riverains et des élus » est censuré pour erreur de droit.
Ensuite, au terme d’une appréciation très circonstanciée des faits de l’espèce (portant, dans un premier temps, sur la qualité du site naturel ou du paysage sur lequel l’installation est projetée, et, dans un second temps, sur l’impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage), la Cour censure également le motif de refus tiré d’une « saturation visuelle du paysage ».
Enfin, la Cour censure le troisième motif de refus, tiré d’une « insuffisance dans le suivi environnemental du projet, en se fondant sur une recommandation de la MRAE selon laquelle le projet devrait être complété par un suivi des corridors de déplacement des voies migratoires de l’avifaune et des chiroptères ». La Cour juge que cette seule circonstance ne permet pas de s’opposer à la demande, mais devait conduire l’administration à imposer au pétitionnaire une prescription en ce sens.
Pour donner toute sa portée utile à l’annulation du refus d’autorisation environnementale, la Cour juge que lorsqu’il statue en vertu de l’article L. 514-6 du code de l’environnement, le juge administratif a le pouvoir d’autoriser la création et le fonctionnement d’une installation classée pour la protection de l’environnement en l’assortissant des conditions qu’il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du même code. Il a, en particulier, le pouvoir d’annuler la décision par laquelle l’autorité administrative a refusé l’autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d’accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu’il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions. Dans le cas où le juge administratif fait usage de ses pouvoirs de pleine juridiction pour autoriser le fonctionnement d’une installation classée, la décision d’autorisation ainsi rendue présente le caractère d’une décision juridictionnelle et se trouve en conséquence revêtue de l’autorité de chose jugée.
La Cour fait ici application des pouvoirs reconnus au juge de plein contentieux en matière d’installations classées par le Conseil d’Etat (CE, avis 29 mai 2015, Asso. Nonant Environnement, n°381560).
Par suite, après avoir relevé que l’Etat, en défense, n’a invoqué aucun autre motif qui ferait obstacle à la délivrance de l’autorisation dans le respect des intérêts protégés par l’article L. 511-1 du code de l’environnement, la Cour fait usage de ses pouvoirs de pleine juridiction, d’une part, en délivrant au pétitionnaire l’autorisation environnementale d’exploiter le parc éolien en question, selon les caractéristiques décrites dans les documents annexés à son dossier de demande, d’autre part, en renvoyant le pétitionnaire devant la préfète de la Charente pour la fixation, par arrêté à prendre sous un délai de 4 mois, des prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement.