Conseil d’Etat, 7 juillet 2022, n° 454789
Dans une décision en date du 7 juillet 2022, mentionnée aux Tables, le Conseil d’Etat est venu confirmer le principe d’une uniformisation des règles applicables, en matière de délivrance des autorisations d’urbanisme applicables aux changements de destination pour les PLU « non-alurisés ».
Pour mémoire, depuis le décret du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d’urbanisme, les 9 destinations, prévues par l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme, ont été remplacées par 5 destinations et 21 sous-destinations, telles que définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 du même code.
Toutefois, si l’article 12 du décret du 28 décembre 2015 a prévu que ces dernières dispositions ne seraient applicables qu’aux PLU ayant fait l’objet d’une élaboration ou d’une révision postérieurement au 1er janvier 2016, les articles R. 421-14 et R. 421-17 du code de l’urbanisme relatifs aux autorisations d’urbanisme renvoient, quant à eux, aux nouvelles destinations et sous-destinations telles que prévues aux articles R. 151-27 et R. 151-28 précités, sans opérer de distinction entre les PLU « alurisés » et « non alurisés ».
Or dans cette affaire, la société Carrefour avait déposé auprès des services de la mairie de Paris un dossier de déclaration préalable en vue de transformer un commerce de boucherie en supérette et d’opérer une modification des façades.
A la suite d’un arrêté d’opposition à l’exécution de ces travaux pris par le maire de Paris, au motif que les travaux envisagés étaient soumis à permis de construire en vertu de l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme, dès lors qu’ils emportaient une modification de façade du local et un changement de destination, la société pétitionnaire a introduit un recours à l’encontre de cette décision.
Saisi par la société Carrefour, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de cette dernière tendant à l’annulation de la décision d’opposition et de la décision implicite de rejet du recours gracieux.
La pétitionnaire a fait appel dudit jugement. Par une décision en date du 20 mai 2021, la Cour administrative d’appel de Paris a annulé le jugement du Tribunal administratif de Paris au motif que :
« 4. Si l’article 12 du décret 28 décembre 2015 susvisé prévoit que « Les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l’urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux d’urbanisme dont l’élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016 », tout en permettant à leurs auteurs d’opter, par délibération expresse, pour la soumission au nouveau régime, cet article, ainsi qu’il résulte de ces termes mêmes, ne concerne que le maintien des règles relatives à l’élaboration et au contenu des plans locaux d’urbanisme, et non le maintien en vigueur des dispositions de l’article R. 421-14 relatives aux autorisations d’urbanisme, dans leur rédaction antérieure au 1er janvier 2016.
Il résulte de ce qui précède que la ville de Paris, dont le plan local d’urbanisme a été adopté en juillet 2016, ne pouvait se fonder, nonobstant la circonstance que ce plan avait été mis en révision avant le 1er janvier 2016, sur les dispositions de l’article R. 421-14 dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015, lesquelles renvoyaient à l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme qui distinguait, parmi les destinations les activités de commerce de celles d’artisanat. En conséquence, saisie de la demande de la société requérante, et alors que la modification projetée d’une boucherie en commerce ne relevait plus, contrairement à ce qu’il en était dans l’état du droit antérieur au 1er janvier 2016, d’un changement de destination, les articles R. 151-27 et R. 151-28 regroupant désormais au sein d’une même destination le commerce et l’artisanat, le maire de Paris ne pouvait légalement s’opposer à la déclaration préalable au motif que les travaux projetés nécessitaient un permis de construire. » (CAA de Paris, 20 mai 2021, n° 19PA00986).
Dans cette affaire, la cour a donc considéré que la modification du PLU de la Ville de Paris, approuvée le 4 juillet 2016, a rendu opposable les nouvelles dispositions des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l’urbanisme, relatifs aux destinations et sous-destinations, tout en considérant que les dispositions de l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme restent opposables pour apprécier les règles de fond.
Saisie par la ville de Paris, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi présenté par cette dernière et a confirmé que :
«6. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que les règles issues du décret du 28 décembre 2015 définissant les projets soumis à autorisation d’urbanisme, selon notamment qu’ils comportent ou non un changement de destination d’une construction existante, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2016, sans qu’ait d’incidence à cet égard le maintien en vigueur, sauf décision contraire du conseil municipal ou communautaire, de l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016, dans les hypothèses prévues au VI de l’article 12 du décret du 28 décembre 2015, lequel ne se rapporte qu’aux règles de fond qui peuvent, dans ces hypothèses particulières, continuer à figurer dans les plans locaux d’urbanisme et ainsi à s’appliquer aux constructions qui sont situées dans leur périmètre. Les règles soumettant les constructions à permis de construire ou déclaration de travaux, dont un plan local d’urbanisme ne saurait décider et qui relèvent d’ailleurs d’un autre livre du code de l’urbanisme, sont définies, pour l’ensemble du territoire national, par les articles R. 421-14 et R. 421-17 du code de l’urbanisme, qui renvoient, depuis le 1er janvier 2016, pour déterminer les cas de changement de destination soumis à autorisation, aux destinations et sous-destinations identifiées aux articles R. 151-27 et R. 151-28 de ce code. » (CE, 7 juillet 2022, n° 454789)
Il ressort de cet arrêt que le changement de destination et la nécessité d’une autorisation d’urbanisme s’apprécient au regard des nouvelles destinations des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l’urbanisme, y compris pour les communes couvertes par un PLU « non alurisé ».