Le 9 juin dernier, la Cour administrative d’appel a répondu à la question suivante : une commune peut-elle bénéficier de la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée d’un parc aquatique qu’elle gère en régie ?
CAA Lyon, 9 juin 2022, MINISTRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS c/ Commune de Nyons, n°21LY03966
Au cas présent, le parc aquatique Nyonsoleïado est exploité en régie par la commune de Nyons.
Ce complexe aquatique comprend une surface de baignade de 1 200 m² composée d’un bassin de natation de 25 mètres, d’un bassin à remous, d’une piscine peu profonde, de cascades d’eau, de toboggans aquatiques, de rivières et pataugeoires ainsi qu’un terrain environnant d’une surface de 6 000 m².
Au titre de cette activité, la commune de Nyons a spontanément acquitté, pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, la taxe sur la valeur ajoutée
Souhaitant bénéficier de l’exonération prévue par l’article 256B du Code général des impôts sur le fondement de l’article 13 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, la commune de Nyons a demandé au Tribunal Administratif de Grenoble de prononcer la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle s’était acquittée.
Par un jugement n° 1600304 du 29 mars 2018, le Tribunal Administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.
Par un arrêt n° 18LY02896 du 14 janvier 2020, la Cour Administrative d’Appel de Lyon a annulé ce jugement au motif que l’organisation du service public de piscine municipale est facultative pour une commune, et ne relève pas, par nature, de ses attributions, raison pour laquelle celle-ci ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 256B du Code générale des impôts en ce qu’elle n’agit pas en qualité d’autorité publique au sens de l’arrêt Saudaçor de la CJUE (C-174/14).
Par décision n° 439617 du 9 décembre 2021, le Conseil d’État a annulé cet arrêt à la lumière de la jurisprudence européenne et du paragraphe 2 de l’article 13 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 selon lequel les services à caractère sportif rendus par les personnes morales de droit public peuvent être considérés comme des activités exercées en tant qu’autorité publique.
Le Conseil d’État a notamment précisé que :
« Dans son arrêt du 21 février 2013, Mesto Zamberk (C-18/12), la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que l’article 132, paragraphe 1, sous m), A… la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 doit être interprété en ce sens que l’accès à un parc aquatique proposant aux visiteurs non seulement des installations permettant l’exercice d’activités sportives, mais également d’autres types d’activités de détente ou de repos, peut constituer une prestation de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport, pour autant que l’élément prédominant est la possibilité d’y exercer des activités sportives. Dans le cadre de cette appréciation d’ensemble, il y a lieu de tenir compte, en particulier, de la conception du parc aquatique en cause résultant de ses caractéristiques objectives, à savoir les différents types d’infrastructures proposés, leur aménagement, leur nombre et leur importance par rapport à la globalité du parc. S’agissant, en particulier, des espaces aquatiques, il y a lieu de prendre notamment en considération le fait de savoir si ceux-ci se prêtent à une pratique de la natation de nature sportive, en ce qu’ils sont, par exemple, divisés en lignes d’eau, équipés de plots et d’une profondeur et d’une dimension adéquates, ou s’ils sont, au contraire, aménagés de sorte qu’ils se prêtent essentiellement à un usage ludique. »
Il ressort de cet arrêt qu’il appartient au juge administratif de rechercher si l’exploitation d’un parc aquatique est de nature à constituer l’activité d’un service sportif tel qu’il résulte de l’interprétation complémentaire de l’article 256B du Code général des impôts et de l’article 132 paragraphe 1 m) de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006.
Cette clarification apportée par le Conseil d’État permet à la Cour Administrative d’Appel de Lyon de faire droit à la demande de la commune de Nyons en jugeant que :
« Le parc Nyonsolieïado constitue un complexe aquatique comprenant 1 200 m² de surface de baignade composée d’un bassin de natation de 25 mètres, d’une piscine peu profonde, d’un bassin à remous, de toboggans aquatiques, de cascades d’eau, de rivières et pataugeoires ainsi que d’un terrain environnant d’une surface de 6 000 m². Il résulte de l’instruction que le bassin de natation d’une longueur de 25 mètres comprend cinq lignes d’eau aménagées pour la pratique de la natation, que les trois lignes centrales sont réservées à la natation entre 10h et 13h, les deux lignes extérieures pouvant être également utilisées pour cette activité sportive. De plus, la commune fait valoir sans être utilement contredite que des créneaux horaires spécifiques pourront être attribués pour la nage de haut niveau. Il ressort également de l’instruction que la piscine peu profonde, située à droite du bassin de natation, qui permet une entrée dans l’eau en pente douce jusqu’à une profondeur d’un mètre est utilisée pour les premiers cours d’apprentissage de la natation. Ces bassins ainsi aménagés pour la pratique de la nation et de son apprentissage sont utilisés en dehors des heures d’ouverture du parc, par les maitres-nageurs sauveteurs qui dispensent des cours de natation payants. Ils sont également utilisés dans le cadre des apprentissages de la natation par les établissements scolaires de la commune et des communes limitrophes et par l’Ecole Municipale des Activités Physiques et Sportives (EMAPS). Enfin, tout au long de la saison, ces bassins sont mis à disposition des services de secours tels que les pompiers, la gendarmerie ou la police municipale pour s’entrainer et s’exercer aux missions de sauvetage en milieu aquatique. Ainsi, compte tenu de ces éléments qui révèlent que ces deux bassins représentant plus des deux tiers des surfaces aquatiques du parc, sont majoritairement aménagés et utilisés pour la pratique de la natation et son apprentissage, l’exploitation de ce complexe constitue l’activité d’un service sportif au sens de l’article 256 B du code général des impôts, interprété à la lumière des dispositions de l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive 2006/112/CE. »
En conséquence, s’agissant de la gestion en régie, une commune peut bénéficier de la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée d’un parc aquatique sans pour autant que l’exploitation dudit parc aquatique ne soit nécessairement réalisée par la commune en tant qu’autorité publique et n’entre dans le champ des dispositions de l’article 256B du CGI.
A cette fin, les services à caractère sportif rendus par les personnes morales de droit public doivent être appréciés en conjuguant les dispositions de l’article 256B du Code général des impôts et du paragraphe 2 l’article 13 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006.
Esther Duval
Pierre-Stéphane REY