CE, 24 mars 2022, commune de Toulouse, n° 449826
A l’origine de cette affaire se trouve une délibération du conseil municipal de la ville rose décidant de créer un musée de la photographie. Après avoir assuré directement l’exploitation de ce musée, la commune en avait confié la gestion à une association à compter du 1er janvier 1985 dans le cadre de plusieurs conventions successives. Cette association ayant ensuite été placée en procédure de sauvegarde judiciaire, convertie en procédure de redressement judiciaire par jugement du 14 février 2020.
Par une ordonnance du 5 octobre 2020, le juge commissaire du tribunal judiciaire de Toulouse avait sursis à statuer sur la requête en revendication de propriété des fonds photographique et documentaire ainsi que des œuvres exposées dans la galerie présentée par la commune et lui avait enjoint de saisir la juridiction compétente aux fins de qualification juridique, d’une part, des conventions conclues entre elle et l’association et, d’autre part, des biens revendiqués.
Par un jugement du 2 février 2021, contre lequel la commune s’est pourvu en cassation, le TA de Toulouse, saisi de la question préjudicielle, avait, d’une part, qualifié les conventions conclues les 11 janvier 1985 et 4 mars 1987 de marchés publics et les conventions conclues les 5 janvier 1998, 6 janvier 2003 et 29 janvier 2008, ainsi que l’ensemble contractuel conclu à compter de 2013, de conventions d’objectifs et de moyens assorties de subventions et, d’autre part, avait dit qu’il n’était pas en mesure de répondre à la question préjudicielle relative à la nature publique ou privée des biens en litige (ce n’est pas banal).
C’est dans ce contexte que le Conseil d’État était amené à qualifier successivement les conventions litigieuses puis les fonds photographiques et documentaires.
Pour ce faire, le Conseil d’État rappelle, tout d’abord, la définition légale des contrats de la commande publique, qui, comme le prévoit les dispositions de l’article L. 2 du code de la commande publique, sont des « contrats conclus à titre onéreux par un acheteur ou une autorité concédante, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services», ce qui les différencie des contrats de subventions « qui ne peuvent constituer la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins de la personne publique qui les accorde » (art. L. 1100-1 du code de la commande publique).
Ces précisions étant faites, il appartenait au Conseil d’État de vérifier si la qualification opérée par le TA de Toulouse était exacte.
Le Conseil d’État se livre à une analyse concrète des stipulations de l’ensemble des conventions et constate que :
« (…) si la commune de Toulouse a apporté des soutiens financiers significatifs et quantitativement importants à son cocontractant, celui-ci a toujours conservé un risque lié à l’exploitation de la galerie, son équilibre financier n’étant pas garanti par les sommes apportées par la commune. L’association a ainsi supporté les aléas de la gestion du musée et a subi des pertes d’exploitation ayant conduit à son placement en procédure de redressement judiciaire »
Ainsi, le juge a t’il considéré que les clauses financières du contrat révélaient un risque d’exploitation supporté par l’association, nonobstant le soutien financier communal. En témoigne le placement de l’association en procédure de redressement judiciaire.
En présence d’un risque d’exploitation supporté par le cocontractant, la (re)qualification en contrat de concession devenait inévitable (art. L. 1121-1 du code de la commande publique).
Corrélativement, le Conseil d’État annule le jugement du TA de Toulouse qui avait inexactement les faits qui lui avaient été soumis en qualifiant les conventions conclues entre la commune de Toulouse et l’association d’une part de marchés publics et d’autre part de conventions d’objectifs et de moyens assorties de subventions.
Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État cherche ensuite à déterminer si les contrats de concession étaient des contrats de délégation de service public.
Ce faisant, le Conseil d’État procède, à nouveau, à une analyse concrète des stipulations du contrat et procède notamment à la recherche « d’obligations et d’objectifs » assignés au prestataire, pour déterminer si la personne publique avait entendu ériger l’activité en service public (CE, 22 février 2007, APREI, n°264541, Publié au recueil Lebon).
Appliquant ces critères dans son considérant n°6, le Conseil d’État retient que :
« (…) que ces contrats ont eu pour objet de confier à l’association l’exploitation d’un musée de la photographie créé à l’initiative de la commune et dont elle avait assuré directement la gestion de 1978 à 1985, qu’elle a ensuite reprise à compter du 1er janvier 2020. L’association PACE a assuré cette exploitation sous le contrôle de la commune de Toulouse, qui a défini ses missions et objectifs en cohérence avec ceux de la politique culturelle municipale, veillé à ce que l’action et la communication de la galerie s’opèrent en coordination étroite avec les services de la commune et conditionné ses soutiens matériels et financiers à la production régulière de comptes rendus d’activité et états financiers. La commune a ainsi confié la gestion d’un service public muséal à l’association PACE »
Les contrats de concession de service ayant pour objet la gestion d’un service public ils sont logiquement qualifiés par le Juge de délégations de service public et par suite, c’est naturellement que le Conseil d’État a considéré que les fonds photographiques et documentaires utilisés par l’association délégataire devaient être qualifié de biens de retour, propriétés de la commune de Toulouse (art. L. 3132-4 du code de la commande publique).