Dans une décision en date du 29 décembre 2021, le Conseil d’Etat a énoncé que le juge administratif exerce un contrôle normal sur la décision de mise à la retraite d’office pour inaptitude physique du fonctionnaire territorial et a précisé les éléments qui doivent être pris en compte par l’autorité territoriale.
Conseil d’Etat, 29 décembre 2021, n° 437489
Dans cette affaire, un technicien territorial principal de 1ière classe a été admis à la retraite pour inaptitude par un arrêté en date du 18 janvier 2016.
Le tribunal administratif, saisi d’une demande d’annulation de la décision de mise à la retraite d’office par le fonctionnaire, a prescrit une expertise médicale avant dire droit, expertise qui a conclu à l’aptitude de l’agent à reprendre ses fonctions.
En conséquence, le tribunal a annulé la décision d’admission à la retraite d’office pour inaptitude et la Cour a rejeté l’appel formé par la Commune à l’encontre de ce jugement. La Commune s’est alors pourvue en cassation.
Le Conseil d’Etat a d’abord précisé les éléments qui permettent d’apprécier la légalité de la décision par laquelle l’autorité territoriale place d’office le fonctionnaire à la retraite pour inaptitude, qui sont ainsi constitués par :
« (…) l’ensemble des pièces et renseignements propres à établir la réalité de la situation effective de santé de ce fonctionnaire au jour de cette décision, y compris au regard de ceux de ces renseignements ou pièces qui n’auraient pas été communiqués à l’autorité territoriale préalablement à sa décision ou qui auraient été établis ou analysés postérieurement à celle-ci, dès lors qu’ils éclairent cette situation. »
Le Conseil d’Etat a ensuite énoncé que le juge administratif exerce un contrôle normal sur l’appréciation portée par l’autorité territoriale sur l’inaptitude définitive d’un fonctionnaire.
En l’espèce, pour annuler la décision de mise à la retraite pour inaptitude en date du 18 janvier 2016, le Conseil d’Etat a considéré :
«(…) d’une part, que la commission de réforme des fonctionnaires des collectivités locales, lors de sa séance du 28 octobre 2014, rejoignant le sens de l’avis adopté le 17 juin 2014 par le comité médical départemental qui avait été défavorable à la réintégration du fonctionnaire à l’issue de son congé de longue maladie le 9 juin 2014, a été d’avis que M. B… était dans l’impossibilité absolue et définitive de continuer ses fonctions et, d’autre part, que la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales a adopté, le 15 janvier 2016, un avis favorable au placement d’office de ce fonctionnaire à la retraite pour inaptitude, qui a été suivi par l’arrêté contesté pris le 18 janvier 2016. Toutefois, le médecin désigné en exécution du jugement du tribunal administratif d’Orléans du 4 octobre 2016 a conclu dans son rapport d’expertise du 16 novembre 2016 qu’il résultait des pièces médicales du dossier que l’état de santé de M. B…, tel qu’il devait être constaté au 18 janvier 2016, était exempt de pathologie et ne le rendait pas inapte à l’exercice de ses fonctions ou de tout autre poste de travail. Parmi les pièces médicales examinées par cet expert et fondant sa conclusion, qui n’avaient pas été communiquées à la commune avant l’adoption de l’arrêté contesté, figurent notamment les rapports et certificats établis, à l’époque de la séance de la commission de réforme, par le médecin traitant de M. B…, le 22 septembre 2014, ainsi que par deux médecins spécialistes, le 20 octobre 2014 et le 28 octobre 2014. »
En conséquence, dès lors que, le rapport de l’expert, qui était certes postérieur à la décision de mise à la retraite pour inaptitude, et les pièces et renseignement médicaux sur lesquels il s’était fondé, démontrait qu’au moment de la décision contestée, le dossier médical de l’agent établissait son aptitude, l’autorité territoriale avait commis une erreur d’appréciation en estimant que l’agent était inapte de manière définitive à ses fonctions.
La Cour administrative d’appel de Nantes n’avait ainsi commis aucune erreur de droit annulant la décision de mise à la retraite d’office pour erreur d’appréciation et le Conseil d’Etat a donc rejeté le pourvoi de la Commune.
Toutefois, la Cour administrative d’appel de Lyon a considéré que le moyen tiré de l’erreur de droit en ce que le Tribunal administratif a, pour annuler la décision de mise à la retraite d’office pour inaptitude, pris en compte des certificats médicaux établis postérieurement à la décision en litige qui attestent de l’aptitude de l’agent, est un moyen sérieux justifiant que soit ordonné le sursis à exécution d’un tel jugement En effet, la régularité de la décision doit être appréciée par rapport aux éléments connus à la date à laquelle la décision a été prise. (CAA de Lyon, 8 mars 2021, n° 20LY03434)