Un référé précontractuel formé par un candidat évincé à l’encontre de la procédure de passation lancée par un groupement de commandes mixte comprenant, à la fois, des personnes publiques et des personnes privées donne l’occasion au Tribunal des conflits de préciser qui est le juge compétent en pareille hypothèse.
En l’espèce, la RATP, EPIC agissant en qualité de coordonnateur d’un groupement de commandes conclu avec SNCF Mobilités, EPIC auquel a succédé le 1er janvier 2020 la société SNCF Voyageurs, avait lancé une procédure négociée avec mise en concurrence préalable pour la passation d’un accord-cadre à bons de commande relatif à l’étude et la fourniture de matériels roulants à destination de la ligne B du RER.
La société A., invitée à participer aux négociations et qui avait remis une offre finale le 22 juin 2019, a assigné la RATP devant le juge judiciaire en demandant l’annulation de toutes les décisions se rapportant à la procédure de passation et qu’il soit enjoint à la RATP et à SNCF Voyageurs de se conformer à leurs obligations de publicité et de mise en concurrence. Le juge judiciaire des référés précontractuels, après avoir écarté l’exception d’incompétence au profit du juge administratif, a adressé au groupement formé par la RATP et SNCF Voyageurs, s’il entendait poursuivre la procédure de passation, des injonctions relatives à la méthode d’analyse des offres et à l’information des candidats. Saisie d’un pourvoi de la RATP contre ce jugement, la Cour de cassation, estimant que ce litige soulevait une difficulté sérieuse, a saisi le Tribunal des conflits.
Le Tribunal des conflits commence par rappeler, assez classiquement, que « La passation et l’attribution des contrats passés en application du code de la commande publique sont susceptibles de donner lieu à une procédure de référé précontractuel qui, selon que le contrat revêtira un caractère administratif ou privé, doit être intentée devant le juge administratif ou devant le juge judiciaire. Il appartient au juge du référé précontractuel saisi de déterminer si, eu égard à la nature du contrat en cause, il l’a été à bon droit » (TC 13 septembre 2021, Société Cadres en mission c/ Société SNCF, n° C4224).
Puis après avoir cité les articles 3 et 28 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, le Tribunal des conflits juge que « dans le cadre d’un groupement de commandes constitué entre des acheteurs publics et des acheteurs privés en vue de passer chacun un ou plusieurs marchés publics et confiant à l’un d’entre eux le soin de conduire la procédure de passation, et où, l’un des acheteurs membres du groupement étant une personne publique, le marché qu’il est susceptible de conclure sera un contrat administratif par application de l’article 3 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, le juge du référé précontractuel compétent pour connaître de la procédure est le juge administratif, sans préjudice de la compétence du juge judiciaire pour connaître des litiges postérieurs à la conclusion de ceux de ces contrats qui revêtent un caractère de droit privé ».
Faisant application de ce principe, le Tribunal des conflits constate que la RATP, membre de ce groupement, est un établissement public et les marchés qu’elle est susceptible de conclure sont des contrats administratifs.
Ainsi, le juge administratif est compétent pour connaître de la procédure de passation litigieuse.