Par un arrêt rendu le 24 novembre 2021, le Conseil d’Etat est venu préciser quelles devaient être les modalités d’appréciation du risque pour permettre le classement de terrains par un plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) et répondre à la question suivante : « lors de l’élaboration d’un plan de prévention des risques, le préfet doit-il tenir compte d’éléments existants qui modifient l’appréciation du risque mais qui sont édifiés irrégulièrement ? »
Conseil d’État, 24 novembre 2021, n°436071
Dans cette affaire, une société contestait le classement de ses parcelles en zone rouge R1 du PPRI élaboré par le Préfet du Var sur le territoire de la commune de Roquebrune-sur-Argens.
A l’appui de son recours, la requérante indiquait que, antérieurement à l’adoption du PPRI, elle avait procédé au remblaiement de ses parcelles et qu’il y avait donc lieu de tenir compte de l’altimétrie de ce terrain remblayé pour apprécier le risque sur ses parcelles. Il sera précisé que ce remblaiement a été réalisé sans autorisation et le Préfet du Var soutenait que, dans le cadre de l’élaboration du PPRI, il n’avait pas à prendre en compte un aménagement illégal.
Suivant le raisonnement « légaliste » du Préfet, la Cour administrative d’appel de Marseille (4 octobre 2019, 17MA01104) avait alors jugé que « lorsqu’une opération de remblaiement contrevient à la réglementation en vigueur, l’autorité en charge de l’élaboration d’un plan de prévention des risques d’inondation peut, compte tenu du caractère précaire que présente ces remblais dans l’attente d’une éventuelle régularisation, ne pas tenir compte de la modification de l’altimétrie des terrains résultant de l’apport de matière réalisé dans des conditions irrégulières ».
Telle n’est pas la position du Conseil d’Etat qui a tranché pour appréciation « réaliste » et concrète des risques en jugeant que :
« 2. Il résulte des articles L. 562-1 et R. 562-3 du code de l’environnement que le classement de terrains par un plan de prévention des risques d’inondation a pour objet de déterminer, en fonction de la nature et de l’intensité du risque auquel ces terrains sont exposés, les interdictions et prescriptions nécessaires, à titre préventif, notamment pour ne pas aggraver le risque pour les vies humaines.
3. La nature et l’intensité du risque doivent être appréciés de manière concrète au regard notamment de la réalité et de l’effectivité des ouvrages de protection ainsi que des niveaux altimétriques des terrains en cause à la date à laquelle le plan est établi. Il n’en va différemment que dans les cas particuliers où il est établi qu’un ouvrage n’offre pas les garanties d’une protection effective ou est voué à disparaître à brève échéance. Par suite, en jugeant que l’autorité en charge de l’élaboration d’un plan de prévention des risques d’inondation pouvait légalement s’abstenir de tenir compte, lors de l’élaboration de ce document, de la modification de l’altimétrie de terrains résultant d’une opération de remblaiement au seul motif que celle-ci avait eu lieu dans des conditions estimées irrégulières et présentait, à ce seul titre, un caractère précaire dans l’attente d’une éventuelle régularisation dont elle n’excluait pas la possibilité, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. »
Lorsqu’il élabore un PPRI, le Préfet doit donc tenir compte de la réalité de l’existant à la date d’approbation du PPRI, et ce, quand bien même des éléments (constructions ou aménagements) auraient été édifiés irrégulièrement.
Enfin, et s’agissant des constructions irrégulières située en zone rouge, il sera rappelé que la Cour de cassation a jugé récemment que la démolition d’une construction irrégulièrement édifiée pouvait être prononcée en raison du classement en zone rouge du plan de prévention du risque inondation (PPRI) et ce, quand bien même ce classement serait postérieur à son édification (Voir notre article sur la question).