Le Conseil d’Etat rappelle, d’une part, dans quelles conditions une décision d’attribution de subvention est créatrice de droits, et d’autre part, que l’administration envisageant le retrait de la décision d’attribution de la subvention doit mettre en œuvre une procédure contradictoire préalable.
Conseil d’Etat, 4 octobre 2021, n°438695.
Le Conseil d’Etat confirme ici son arrêt du 13 mars 2015 (n°364612), la décision de retrait devant être précédée d’une procédure contradictoire non seulement parce que la décision est défavorable, mais aussi parce qu’elle impose une sujétion au bénéficiaire de la subvention. Il complète également sa décision du 27 mai 2021 (n°433660) relative aux conditions d’octroi d’une subvention.
Au cas d’espèce, l’agence de l’Eau Rhône Méditerranée et Corse avait attribué une subvention de 260 142 euros à la communauté d’agglomération du pays ajaccien afin de réhabiliter et d’agrandir la station d’épuration d’Afa. Cette subvention avait été attribuée par une convention du 16 février 2009, qui fixait des conditions d’octroi de la subvention.
L’agence de l’Eau a effectué un contrôle de la station et a constaté des manquements à la convention et a mis en demeure la communauté d’agglomération de régulariser son projet, à défaut l’agence de l’eau engagerait une procédure de réfaction de la subvention. Malgré plusieurs relances, la communauté d’agglomération ne respectant toujours pas les engagements inscrits dans la convention, l’agence de l’eau a procédé à la réfaction de la subvention.
La communauté d’agglomération du pays ajaccien a demandé au Tribunal administratif de Lyon d’annuler la décision de réfaction, ce qu’il a fait par un jugement n°1406184 du 3 octobre 2017.
La Cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par l’agence de l’eau Rhône Méditerranée et Corse, en considérant que la procédure contradictoire n’avait effectivement pas été respectée :
« En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu’à la suite d’un contrôle diligenté sur place au mois d’octobre 2011, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée et Corse a constaté, dans les rejets de la station d’épuration, le dépassement des seuils que la communauté d’agglomération du pays ajaccien s’était engagée à respecter par convention du 16 février 2009. Si l’agence soutient en avoir informé l’intéressée et l’avoir invitée, à deux reprises, à produire les justificatifs utiles, par courriers du 3 juillet 2012 et du 10 janvier 2013 mentionnant la procédure de réfaction totale de l’aide accordée susceptible, le cas échéant, d’être engagée, elle n’établit nullement avoir effectivement notifié ces courriers à la communauté d’agglomération, laquelle conteste les avoir reçus. Il en est de même du courrier électronique daté du 27 septembre 2012, lequel, au demeurant, n’était pas adressé au président de la communauté d’agglomération mais seulement à l’un de ses agents. Dans ces conditions, l’appelante n’établit pas avoir préalablement mis en œuvre la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées. »
L’agence de l’eau Rhône Méditerranée et Corse s’est dès lors pourvu en cassation.
Le Conseil d’Etat, dans sa décision du 4 octobre 2021, vient sanctionner cette décision de la Cour, en estimant qu’elle dénaturé les pièces du dossier :
« Ces échanges ont mis la communauté d’agglomération du pays ajaccien en mesure de présenter ses observations écrites et d’établir, si elle s’y estimait fondée, le respect des conditions auxquelles était assortie la subvention dont elle a bénéficié. Il en résulte qu’en estimant que l’agence de l’eau Rhône Méditerranée et Corse n’avait pas mis en œuvre la procédure contradictoire prévue à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, la cour administrative d’appel a entaché son arrêt de dénaturation. Par suite, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée et Corse est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. »
Il est également rappelé qu’une décision d’octroi de subvention n’est créatrice de droit que si les conditions d’attribution de la subvention sont respectées par le bénéficiaire.
Bien que cela n’ait pas été repris par le Conseil d’Etat, dans ses conclusions, le rapporteur public a quant à lui indiqué que le respect du contradictoire s’impose même quand le bénéficiaire est une personne morale, comme l’était ici la communauté d’agglomération du pays ajaccien.