La commune de Hyères a conclu un marché public avec une société pour la fourniture d’un produit phytosanitaire destiné à la lutte contre les moustiques alors que celle-ci ne disposait d’aucune autorisation de mise sur le marché pour ledit produit. Le juge administratif reconnait l’illicéité du contrat et l’annule.
CAA Marseille, 6ème chambre, 25 octobre 2021, 20MA03008
Dans le cadre d’un appel d’offres pour la fourniture d’un produit larvicide biologique destiné à la lutte contre les moustiques, la commune de Hyères-les-Palmiers a décidé de retenir l’offre de la société CERA pour le produit « Aquabac XT » et a informé la société Bergon du rejet de son offre fondée sur le produit « VectoBac 12 AS » fourni par la société Sumitomo Chemical Agro Europe.
Devant le Tribunal administratif de Toulon, c’est la société Sumitomo Chemical Agro Europe (c’est-à-dire le fournisseur du candidat évincé) qui demandait, en vain, l’annulation du contrat passé entre la commune et la société CERA.
Elle interjette donc devant la Cour administrative d’appel de Marseille.
S’agissant d’un marché conclu le 15 février 2016, la Cour administrative d’appel admet assez logiquement que la société Sumitomo Chemical Agro Europe, tiers au contrat litigieux, soit recevable à contester la validité de celui-ci dans la mesure où le recours en contestation de la validité du contrat est ouvert à « tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses » (CE, Ass., Département du Tarn-et-Garonne, 4 avril 2014, n° 358994) et plus seulement, au « concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif » (CE, Ass., Société Tropic Travaux signalisation, 16 juillet 2007, n° 291545).
La Cour en vient ensuite « au cœur » de l’affaire : la reconnaissance du contenu illicite du contrat.
Pour ce faire, la Cour administrative d’appel de Marseille commence par rappeler que : « le contenu d’un contrat ne présente un caractère illicite que si l’objet même du contrat, tel qu’il a été formulé par la personne publique contractante pour lancer la procédure de passation du contrat ou tel qu’il résulte des stipulations convenues entre les parties qui doivent être regardées comme le définissant, est, en lui-même, contraire à la loi, de sorte qu’en s’engageant pour un tel objet, le cocontractant de la personne publique la méconnaît nécessairement » (CE, 9 novembre 2018, Société Cerba et Delapack Europe B.V., n° 420654).
Ce principe étant rappelé, la Cour administrative d’appel de Marseille constate que la société lauréate ne disposait, ni à la date du dépôt de son offre, ni à la de l’attribution du marché, d’une autorisation de mise sur le marché pour le produit, objet du contrat. Étant précisé que, pour la Cour administrative d’appel, ni un dépôt de demande d’autorisation de mise sur le marché, ni une attestation sur l’honneur d’enregistrement et d’autorisation du produit ne valent, « autorisation de mise sur le marché » en bonne et due forme.
Puis, en considération de la finalité poursuivie par la réglementation en présence, la Cour administrative d’appel de Marseille reconnait, ensuite, le contenu illicite du contrat litigieux aux motifs que : « la commune de Hyères-les-Palmiers a méconnu de manière flagrante la réglementation applicable aux produits biocide destinée notamment à protéger la santé publique et la biodiversité. Dans les circonstances de l’espèce, eu égard aux objectifs poursuivis par la réglementation applicable, le contenu du contrat résultant de l’offre de la société CERA et de l’acceptation par la commune de Hyères-les-Palmiers doit être regardé comme illicite « .
La formulation retenue par la Cour administrative d’appel de Marseille est intéressante car elle suggère que la violation par le contrat d’une réglementation autre que la réglementation relative aux produits phytosanitaires et qui ne poursuivrait pas des objectifs « aussi impérieux », ne permettrait pas de caractériser, à coup sûr, un contrat dont l’objet est illicite.
Ce faisant, il nous semble que la Cour administrative d’appel de Marseille pourrait s’interpréter comme allant au delà de la décision du Conseil d’État Société Cerba aux termes de laquelle c’est bien la seule violation de la loi qui permet de caractériser un contrat dont l’objet est illicite.
Quoi qu’il en soit, le contrat au contenu illicite est ainsi annulé.