Dans une décision du 4 août 2021, le Conseil d’Etat a précisé que le Maire pouvait adopter des mesures de police afin d’éviter un risque d’effondrement et d’affaissement du terrain, si elles sont suffisantes pour éviter le dommage, et peut refuser d’exproprier pour cause d’utilité publique.
Conseil Etat, 4 aout 2021, n°431287
L’article L. 561-1 du Code de l’environnement permet à l’Etat, aux communes ou à leurs groupements de prononcer l’expropriation pour cause d’utilité publique :
« lorsqu’un risque prévisible de mouvements de terrain, ou d’affaissements de terrain dus à une cavité souterraine, d’avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine menace gravement des vies humaines ».
Par ailleurs, le Maire dispose de pouvoirs de police, visant notamment à assurer la sécurité publique :
« La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment :
[…]
5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’administration supérieure » (article L. 2212-2 du CGCT).
L’article L. 2212-4 du CGCT lui permet également de prendre des mesures d’urgence :
« En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l’article L. 2212-2, le maire prescrit l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances.
Il informe d’urgence le représentant de l’Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu’il a prescrites. »
Dans tous les cas, les mesures de police prises par le Maire ou la mise en œuvre de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans le cadre de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement doivent avoir pour objectif de prévenir la survenance d’un risque menaçant gravement des vies humaines.
En l’espèce, une société exploitait un camping sur des parcelles situées sur la Commune d’Allas-les-Mines, qui était exposé à un risque prévisible d’effondrement et d’affaissement du fait de l’existence d’une cavité souterraine sous le camping.
En 2013, dans le cadre de l’élaboration d’un plan de prévention des risques, la société a été informée que l’acquisition amiable des parcelles en question était envisagée. Un prix avait été proposé par France Domaines pour l’acquisition amiable du terrain, prix qui avait été accepté par la société.
En juillet 2014, le Maire d’Allas-les-Mines a pris la décision de fermer le camping. La société a alors demandé à l’Etat l’acquisition amiable de son terrain ou, à défaut, d’engager la procédure d’expropriation pour risque majeur.
A la suite du rejet implicite de sa demande, la société a saisi le Tribunal administratif, qui a rejeté ses demandes, la Cour administrative d’appel n’y ayant pas plus fait droit, la société s’est pourvue en cassation.
Le Conseil d’Etat a retenu que l’autorité administrative n’avait pas d’obligation à mettre en œuvre la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique si les mesures de police étaient effectivement suffisantes pour assurer l’objectif de protéger la population ou d’éviter qu’elle soit exposée au risque, ce qui était le cas en l’espèce :
« en jugeant que le refus de faire application des articles L. 561-1 et L. 561-3 du code de l’environnement n’était pas illégal dès lors que le risque d’effondrement et d’affaissement du terrain dû à une cavité souterraine et menaçant gravement les vies humaines pouvait être évité par des mesures de police de fermeture temporaire ou définitive du camping, que l’autorité administrative pouvait légalement prendre sur le fondement du 5° de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, la cour administrative d’appel n’a pas entaché son arrêt d’une erreur de droit. En estimant que les mesures de police étaient en l’espèce suffisantes pour assurer la prévention du dommage, la cour a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation. Enfin, en faisant référence à un arrêté du 3 février 2016 du préfet de la Dordogne fermant définitivement le camping au public, postérieur à la décision attaquée, la cour, qui ne s’est pas fondée sur cette décision, n’a en tout état de cause pas commis d’erreur de droit. »
Le Conseil d’Etat a donc rejeté le pourvoi de la société exploitant le camping, la sécurité de la population ayant été assurée par la fermeture du camping.
Si la société, dans le cadre de ses recours, n’a pas demandé l’indemnisation de son préjudice, le Conseil d’Etat n’a pas fermé la porte à une telle possibilité, qui serait fondée sur la rupture d’égalité devant les charges publiques :
« L’application des dispositions relatives à la police municipale citées au point 3 n’excluent pas que l’exploitant d’une installation dont la fermeture a été ordonnée sur leur fondement pour prévenir les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, soit fondé à demander l’indemnisation du dommage qu’il a subi de ce fait lorsque, excédant les aléas que comporte nécessairement une telle exploitation, il revêt un caractère grave et spécial. »