Le Conseil d’Etat a jugé que le juge administratif devait exercer un contrôle normal sur l’existence de raisons objectives qui peuvent permettre aux communes de déroger à leurs obligations en matière de réalisation de logements sociaux.
Aux termes de l’article L. 302-8 du code de la construction et de l’habitation, les communes d’Ile-de-France avaient pour objectif d’atteindre 20% de logements sociaux sur la période triennale 2005-2007.
La commune de Neuilly-sur-Seine n’ayant atteint que 49% de ses objectifs sur la période considérée, le préfet des Hauts-de-Seine a alors prononcé sa carence et a saisi la commission départementale, laquelle a estimé que la non-atteinte des objectifs par la Commune s’expliquait par des raisons objectives et a sollicité du Ministre chargé de logement qu’il ramène l’objectif de 746 logements à 600, ainsi que le prévoient les dispositions de l’article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l’habitation.
Toutefois, le ministre a refusé de procéder à une telle réduction de l’objectif et la Commune a alors saisi le juge administratif en annulation de cette décision.
La Cour administrative d’appel de Versailles ayant annulé la décision en litige, le Ministre s’est pourvu en cassation.
Le Conseil d’Etat a d’abord établi les pouvoirs du ministre au titre des dispositions de l’article L. 302-9-1-1 du code de l’habitation et de la construction, qui doit apprécier :
« (…) au vu des circonstances ayant prévalu au cours de la période triennale en question et sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si des raisons objectives justifient que la commune n’ait pas respecté l’obligation résultant des objectifs fixés pour cette période. Dans l’affirmative, il appartient au ministre de modifier le cas échéant, compte tenu des circonstances qui prévalent à la date de sa décision, les objectifs de la période triennale qui est en cours à la date à laquelle il se prononce ou, s’ils sont déjà fixés, ceux d’une période ultérieure. »
Pour annuler l’arrêt de la Cour administrative de Versailles, le Conseil d’Etat a estimé qu’elle avait commis une erreur de droit en retenant que des raisons objectives étaient constituées par la rareté et le coût anormalement élevé du foncier disponible sur le territoire de la Commune de Neuilly-sur-Seine, alors que :
« (…) il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que la commune de Neuilly-sur-Seine n’avait, au cours de la période triennale en litige, pas de programme local de l’habitat et n’avait, avant cette période ou au cours de celle-ci, ni modifié ni révisé son plan local d’urbanisme en vue de favoriser le logement social, (…). »
Le Conseil d’Etat a ensuite statué au fond, en exerçant un contrôle normal sur les raisons objectives et en considérant notamment que :
« (…) la commune de Neuilly-sur-Seine n’avait, à l’époque de la période triennale 2005-2007, pas de programme local de l’habitat depuis la fin d’un premier programme à la fin de l’année 1999 (…) elle n’a, avant cette période ou au cours de celle-ci, ni modifié ou révisé ses documents d’urbanisme en vue de favoriser le logement social, n’ayant notamment jamais inscrit d’emplacement réservé au logement social dans son plan d’occupation des sols ou son plan local d’urbanisme, ni imposé de quota minimum de logements sociaux aux programmes immobiliers, s’étant bornée à adopter la faculté légale de majoration du coefficient d’occupation des sols pour la construction de logements sociaux. »
Le Conseil d’Etat a donc écarté les motifs invoqués par la Commune liés à l’absence de foncier disponible et au coût extrêmement élevé du foncier, lesquels ne pouvaient ainsi pas avoir le caractère d’une raison objective au sens des dispositions de l’article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l’habitation et a donc confirmé la décision du Ministre de ne pas réviser à la baisse les objectifs de la Commune en matière de réalisation de logements sociaux.
En conséquence, le Conseil d’Etat a rejeté la requête de la Commune de Neuilly-sur-Seine.