Dans cette affaire le Conseil d’Etat a opéré une analyse coût-avantage, fondée notamment sur l’atteinte au paysage du site et sur le coût financier du projet, pour apprécier de la légalité de la déclaration d’utilité publique.
Conseil d’Etat, 28 juin 2021, n°434150
Par un arrêté en date du 7 juillet 2014, le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré d’utilité publique le projet de prolongement de la route départementale n°6186 entre la route départementale n°2562 à Grasse.
Par un arrêté en date du 16 octobre 2015, le préfet a également déclaré immédiatement cessible les immeubles désignés à l’état parcellaire nécessaires à la réalisation du projet.
L’association de défense des riverains du quartier de Château-Folie et de ses environs, l’association de défense de l’environnement des quartiers Saint-Antoine et Saint-Jacques ainsi que la société Jacques Chibois ont contesté l’arrêté préfectoral du 7 juillet 2014 devant le Tribunal administratif de Nice. Une requérante demandait également l’annulation de l’arrêté en date du 16 octobre 2015.
Par deux jugements en date du 7 février 2017, le Tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes.
Par deux arrêts en date du 8 juillet 2019, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé ces jugements et l’arrêté préfectoral du 7 juillet 2014 ainsi que l’arrêté en date du 16 octobre 2015 en ce qu’il concerne les parcelles de la requérante.
En effet, après avoir examiné la nature du projet qui consistait en l’espèce à « créer un boulevard urbain dans le prolongement de la RD 6185 existante afin d’améliorer la circulation automobile entre l’extérieur et le centre de la ville de Grasse pour faciliter les échanges entre les quartiers » avec notamment « la construction de deux viaducs, trois ponts routiers, de 5 500 m2 de murs de soutènement et de 2 100 mètres de murs acoustiques » ;
La Cour administrative d’appel a estimé :
- d’une part, que celui-ci « avait un coût très élevé, évalué à 68 millions d’euros pour la création d’une voie de 1 920 mètres, soit 34 millions d’euros par kilomètres ».
- d’autre part, que le projet « aurait un impact très visible dans le paysage remarquable dans lequel il est appelé à s’inscrire […] et serait ainsi de nature à gravement altérer le caractère du site, regardé comme exceptionnel, en dépit des mesures visant à atténuer les effets du projet sur le paysage».
Le Conseil d’Etat a confirmé la position de la Cour administrative d’appel :
« En déduisant de ces constatations, exemptes de dénaturation, par un arrêt suffisamment motivé, que le coût financier du projet et les atteintes portées à un paysage remarquable était excessifs au regard de l’intérêt public que présente la réalisation du projet, la Cour administrative d’appel a exactement qualifié les faits de l’espèce ».
Ainsi, par ce jugement le Conseil d’Etat opère un contrôle rigoureux du bilan de l’opération projetée pour en apprécier sa légalité.