Le Conseil d’État a jugé que la résiliation (irrégulière) aux torts exclusifs du titulaire entraine un droit à indemnisation. Pourtant, cette résiliation, même irrégulière, réduit l’indemnisation à laquelle peut prétendre le titulaire, en raison des fautes qu’il a pu commettre, même si celles-ci ne sont pas « d’une gravité suffisante » pour justifier la résiliation.

 

Conseil d’État, 18 mai 2021, n° 442530

 

La Régie des transports métropolitains (RTM) a résilié, le 12 décembre 2016, le marché industriel relatif au renouvellement de douze escaliers mécaniques situés dans le métro de Marseille et à la maintenance associée.

 

La société Alapont France, titulaire de ce marché, a saisi le Tribunal administratif de Marseille pour, à titre principal, ordonner la reprise des relations contractuelles et, à titre subsidiaire, condamner la RTM à lui verser une somme visant à réparer le préjudice né de la suspension du marché ou de la résiliation du marché, le cas échéant.

 

Par un jugement en date du 27 décembre 2018, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

 

À l’issue de l’appel interjeté par la société Alapont France, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé ce jugement et condamné la RTM à verser une indemnité de 114 551,45 euros à l’appelante.

 

La RTM s’est alors pourvue en cassation.

 

La jurisprudence du Conseil d’État a déjà admis que l’acheteur public avait toujours la possibilité de prononcer une résiliation aux torts exclusifs du titulaire, y compris dans le silence du contrat, si le titulaire a commis « une faute d’une gravité suffisante » (Société Treuils et Grue Labor, CE, 18 décembre 2020, n° 433386).

 

Ce pouvoir de l’administration a été codifié aux articles L. 2195-3 et L. 3136-3 du Code de la commande publique. Pour autant, il n’entraine pas, en principe, une indemnisation automatique du cocontractant, contrairement à la résiliation pour motifs d’intérêt général.

 

Toutefois, s’il est avéré que la résiliation prononcée aux torts exclusifs du titulaire est intervenue de façon irrégulière, en particulier parce qu’il n’a commis aucune faute pouvant être jugée comme suffisamment grave, la question de son indemnisation peut alors se poser.

 

C’est là qu’intervient la décision commentée du Conseil d’État, qui juge que :

 

« Les fautes commises par le cocontractant de la personne publique dans l’exécution du contrat sont susceptibles, alors même qu’elles ne seraient pas d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat aux torts du titulaire, de limiter en partie son droit à l’indemnisation du préjudice qu’il subit du fait de cette résiliation irrégulière»

 

Dès lors, la résiliation irrégulière d’’un marché public aux torts exclusifs du titulaire doit conduire à l’indemnisation du cocontractant. Néanmoins, cette indemnisation doit être calculée en prenant en compte les fautes du cocontractant.

 

En d’autres termes, les fautes commises par le cocontractant de la personne publique dans l’exécution du contrat sont susceptibles, alors même qu’elles ne seraient pas d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat aux torts du titulaire, de limiter en partie son droit à l’indemnisation du préjudice qu’il subit du fait de cette résiliation irrégulière.

 

Dans ces conditions, le Conseil d’État censure la Cour administrative d’appel de Marseille, qui avait réparé l’entier préjudice de la société Alapont, sans tenir compte des fautes commises par celle-ci et renvoie l’affaire à la Cour administrative d’appel.