La loi organique n° 2021-467 du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution vient faciliter le recours aux expérimentations des Collectivités Territoriales.
Cet article 72 de la Constitution prévoit en effet la possibilité pour les Collectivités Territoriales de recourir à des expérimentations afin de déroger aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences.
Cette possibilité issue de la réforme constitutionnelle du 29 mars 2003 n’a eu qu’un effet limité, en raison de la lourdeur de la procédure à mettre en œuvre ; il fallait notamment la publication d’un décret en Conseil d’Etat pour autoriser l’expérimentation, si bien que seules quatre expérimentations ont été menées, portant sur le revenu de solidarité active, la tarification locale de l’eau, la répartition des fonds inutilisés de la taxe d’apprentissage et l’apprentissage jusqu’à 30 ans.
La loi organique du 19 avril 2021 a donc poursuivi un objectif de simplification qui se retrouve à toutes les étapes de l’expérimentation et consacre un véritable droit à la différenciation territoriale.
- Sur l’entrée des Collectivités Territoriales dans une expérimentation
La loi organique a prévu que :
« Art. LO 1113-2.-Toute collectivité territoriale entrant dans le champ d’application défini par la loi mentionnée à l’article LO 1113-1 peut, dans le délai prévu au second alinéa du même article LO 1113-1, décider de participer à l’expérimentation mentionnée par cette loi par une délibération motivée de son assemblée délibérante.
« Cette délibération est publiée, à titre d’information, au Journal officiel. »
La condition de l’autorisation préalable est donc supprimée pour permettre aux Collectivités de décider de participer à une expérimentation par une simple délibération.
S’agissant du contrôle de légalité sur cette délibération, la loi organique maintient le régime spécial qui était prévu par la révision constitutionnelle de 2003 :
« Art. LO 1113-3.- Le représentant de l’Etat peut assortir un recours dirigé contre la délibération mentionnée à l’article LO 1113-2 d’une demande de suspension ; cette délibération cesse alors de produire ses effets jusqu’à ce que le tribunal administratif ait statué sur cette demande. Si le tribunal administratif n’a pas statué dans un délai d’un mois suivant sa saisine, la délibération redevient exécutoire. (…) »
Le Préfet peut ainsi assortir son recours en appréciation de légalité d’une demande de suspension de la délibération.
- Sur l’entrée en vigueur des actes dérogatoires
Toujours dans un esprit de simplification, l’entrée en vigueur des actes dérogatoires aux lois ou règlements pris par les Collectivités participant à des expérimentations se fait selon la procédure de droit commun, avec toutefois une différence : les actes dérogatoires sont publiés à titre d’information au Journal Officiel (article 3). C’était jusqu’à maintenant une condition de leur entrée en vigueur.
- Sur l’évaluation des expérimentations
L’article 5 de la loi organique vient redéfinir la procédure d’évaluation des expérimentations.
Ainsi, la loi crée une évaluation intermédiaire de l’expérimentation, à mi-parcours, constituée par un rapport du Gouvernement au Parlement, évaluant les effets des mesures expérimentées par les Collectivités.
Le rapport « expose les effets des mesures prises par ces collectivités en ce qui concerne notamment le coût et la qualité des services rendus aux usagers, l’organisation des collectivités territoriales et des services de l’Etat ainsi que leurs incidences financières et fiscales. » (Article LO1113-5 du code général des Collectivités territoriales).
- Sur le devenir des expérimentations à leur échéance
Il s’agit là d’un point de modification central de la loi organique.
Jusqu’à maintenant, une expérimentation pouvait (outre une prolongation pour une durée maximum de trois ans) être soit généralisée à l’ensemble du territoire, soit abandonnée de manière pure et simple.
La loi organique permet désormais que les mesures expérimentales soient maintenues dans les Collectivités expérimentatrices ou élargies à d’autres, sous réserve du principe d’égalité.
En effet, le Conseil constitutionnel, qui s’est prononcé sur la conformité de la loi à la Constitution a précisé que « le législateur ne saurait maintenir à titre pérenne des mesures prises à titre expérimental dans les seules Collectivités territoriales ayant participé à l’expérimentation sans les étendre aux autres Collectivités présentant les mêmes caractéristiques justifiant qu’il soit dérogé au droit commun. »
Il conviendra donc, afin de respecter le principe d’égalité devant la loi, que des Collectivités qui présentent des caractéristiques identiques bénéficient des mêmes dérogations issues d’une expérimentation.
Enfin, le législateur pourra prendre en compte les résultats d’une expérimentation en modifiant les dispositions régissant l’exercice de la compétence ayant fait l’objet d’une expérimentation.