Par un jugement rendu le 9 mars 2021, le Tribunal administratif de Grenoble, est venu préciser que les dispositions de l’article L. 151-12 du code de l’urbanisme (extension des bâtiments d’habitation en zone N), anciennement codifiées au 14° de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme et créées par la loi Grenelle II du 12 juillet 2010, n’étaient pas d’application d’application immédiate, qu’elles étaient donc inopposables aux PLU déjà approuvés à la date d’entrée en vigueur de cette loi et que, par conséquent, elles n’étaient pas applicables aux demandes d’autorisation d’urbanisme déposées au regard des PLU « ante Grenelle II« .

TA Grenoble, 9 mars 2021, n°1903148 

Dans cette affaire, le cabinet Itinéraires Avocats représentait les intérêts d’un particulier qui, sur la base du PLU de la Commune de Grâne, approuvé par délibération du 28 novembre 2007, avait sollicité un permis de construire en vue de réaliser une extension de sa maison d’habitation dans les limites et les formes prescrites par le règlement de la zone N de ce PLU.

L’article N2 du règlement de la commune de Grâne du 28 novembre 2007 dispose que dans l’ensemble de la zone N, sont admises : « g) En dehors de secteurs à risques de mouvement de terrain, l’extension des constructions à usage d’habitation existantes à condition que l’extension présente des façades d’aspect similaire à la construction d’origine. Cette extension ne peut dépasser 100% de la SHON du bâtiment d’origine à la date d’approbation du plan local d’urbanisme, ni aboutir à une construction supérieure à 300 m2 de SHON au total après travaux ».

Et le projet en question respectait strictement la double limitation imposée par ces dispositions (max. +100% de la SHON sans dépasser 300 m²) puisque les travaux envisagés portaient sur une construction existante de 151,60 m² et une extension de cette construction de 147,57m² (pour une surface totale après travaux de 299,17 m²).

Toutefois, la Commune de Grâne a refusé ce permis de construire aux motifs que :

  1. Le projet contreviendrait directement aux dispositions de l’article L. 151-12 du code de l’urbanisme, lesquelles seraient directement applicables et opposables au pétitionnaire dès lors que les dispositions règlementaires de l’article N2 du règlement du PLU serait illégales car contraires à celles de l’article L. 151-12 ;
  2. Le projet contreviendrait aux dispositions de l’article N1 du règlement du PLU en ce que la construction envisagée serait une « construction nouvelle » et non une « extension » ;

 

S’agissant du premier motif de refus, la Commune de Grâne entendait faire application du principe général du droit selon lequel l’administration a l’obligation de ne pas appliquer une norme réglementaire qu’elle sait illégale (Cf. Conseil d’Etat, avis, 9 mai 2005, M. Marangio, n° 277280).

Mais, le tribunal administratif a exactement retenu que :

« Aux termes de l’article L. 151-12 du code de l’urbanisme issu des trois modifications successives des dispositions du 14° de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme, créées par l’article 19 de la loi du 12 juillet 2010 : « Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières et en dehors des secteurs mentionnés à l’article L. 151-13, les bâtiments d’habitation existants peuvent faire l’objet d’extensions ou d’annexes, dès lors que ces extensions ou annexes ne compromettent pas l’activité agricole ou la qualité paysagère du site. Le règlement précise la zone d’implantation et les conditions de hauteur, d’emprise et de densité de ces extensions ou annexes permettant d’assurer leur insertion dans l’environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone. Les dispositions du règlement prévues au présent article sont soumises à l’avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime ». L’article 19 de la loi du 12 juillet 2010 visée ci-dessus, qui a créé, dans le code de l’urbanisme, l’article L. 123-1-5 et notamment son 14° fixant le contenu du règlement du plan local d’urbanisme dans les zones naturelles, agricoles ou forestières, prévoit, en son point V, dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 27 janvier 2017, que si ces dispositions sont entrées en vigueur six mois après la publication de la loi du 12 juillet 2010, « Les plans locaux d’urbanisme approuvés avant [cette] date (…) demeurent applicables. Ils intègrent les dispositions de la présente loi lors de leur prochaine révision (…) ». Si ces dispositions de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme ont été modifiées par le I de l’article 157 de la loi du 24 mars 2014, puis par l’article 25 de la loi du 13 octobre 2014, et enfin par l’article 80 de la loi du 6 août 2015, aucune de ces lois ne prévoit que les dispositions du 14° de l’article L. 123-1-5, devenu, ainsi qu’il vient d’être dit, l’article L. 151-12 du code de l’urbanisme par ordonnance du 23 septembre 2015 mentionnée plus haut, seraient d’application immédiate.

3. En l’espèce, la mise en œuvre de ces dispositions impliquait nécessairement que le plan local d’urbanisme de la commune, approuvé par délibération du 28 novembre 2007 et modifié le 14 décembre 2015, fasse l’objet d’une révision afin d’y intégrer les conditions émises par le législateur pour déroger aux dispositions de son document d’urbanisme relatives à l’extension de bâtiments existants en zone naturelle. En l’absence d’une telle révision, comme c’est le cas en l’espèce, ces dispositions étaient inopposables au plan local d’urbanisme de la commune de Grâne. Par suite, les dispositions de l’article L. 151-12 du code de l’urbanisme ne sont donc pas applicables au projet, de sorte que le maire ne pouvait opposer à M. Barthélémy l’illégalité de l’article N2 du règlement de son plan d’urbanisme compte tenu de l’article L. 151‑12 du code de l’urbanisme pour refuser son projet tout comme la circonstance que le règlement de la zone N du plan local d’urbanisme n’avait pas été soumis à l’avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) prévu par l’article L. 151-12 du même code. »

En résumé, il apparaît que, pour que les dispositions de la loi Grenelle II relatives à l’extension de bâtiments existants en zone naturelle soient opposables aux tiers, les PLU approuvés antérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi doivent donc faire l’objet d’une procédure de révision, laquelle devra intégrer ces nouvelles dispositions qui ne sont pas d’application immédiates. 

Par conséquent, une commune qui n’a pas révisé son PLU postérieurement à l’entrée en vigueur de la Loi Grenelle II, n’est pas fondée à refuser un permis de construire qui ne respecterait pas les dispositions de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme. 

Puis, le second motif de refus a été fermement censuré par le Tribunal qui a jugé que :

« Il ressort de la rubrique 4.4 du document CERFA que le projet litigieux consiste en des travaux sur une construction existante de 151,60 m2 dont la surface sera portée à 299,17 m2. La notice descriptive (PCMI4) indique que les façades projetées reprennent l’identité propre de la maison existante avec des volumes restant au niveau rez-de-chaussée, sans surélévation, avec un aspect similaire à la construction d’origine. Il ressort ainsi tant du plan de masse que de cette notice que le projet consiste en une extension. Contrairement à ce que soutient la commune, le règlement n’autorise pas uniquement dans la zone naturelle les extensions limitées. Ainsi, le motif selon lequel le projet porterait sur une nouvelle construction est erroné et il respecte les dispositions de l’article N2 g). Dans ces conditions, le maire de Grane ne pouvait opposer ce second motif de refus à la demande de permis de construire de M. Barthélémy. »

Enfin, et tirant les conséquences de la censure des deux seuls motifs de refus (et du rejet de la substitution de motifs sollicitée par la Commune), le Tribunal administratif de Grenoble a donc enjoint au maire de Grâne de délivrer le permis de construire sollicité par notre client, et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.