Dès lors que seule une citation en justice émanant de celui qui a la qualité pour exercer le droit menacé par la prescription, et à l’encontre de celui qui en bénéficierait, a pour effet d’interrompre la prescription, la demande dirigée contre un constructeur n’a pas pour effet d’interrompre la prescription à l’égard de son assureur qui n’a pas été cité en justice.
Conseil d’Etat, 4 février 2021, n°441593
Le juge des référés était saisi, par une Communauté de communes, d’une demande en référé expertise tendant à ce qu’il se prononce sur l’origine et l’étendue de désordres affectant le toit de la médiathèque, détermine les travaux permettant d’y remédier, et établisse les responsabilités encourues.
La société d’assurance, appelée en la cause en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage du Maître d’ouvrage, a demandé à ce que les opérations d’expertise prescrites soient étendues à d’autres personnes. Le juge des référés a fait partiellement droit à cette demande.
La société d’assurance a donc interjeté appel de cette décision, soutenant que la mise en cause des assureurs des constructeurs présentait un caractère d’utilité, dès lors que cette demande permettait d’interrompre à son bénéfice le délai de son action à leur encontre.
La Présidente de la Cour administrative d’appel n’a pas suivi cette argumentation, et a rejeté sa demande, pour défaut d’utilité au motif que la requête présentée par la Communauté de communes avait eu pour effet d’interrompre la prescription au bénéfice de son assureur, à l’encontre de tous les assureurs des constructeurs.
Saisi du pourvoi de la société d’assurance, le Conseil d’Etat a indiqué que si une demande en justice, au fond comme en référé, a pour effet d’interrompre le délai de prescription, la loi du 17 juin 2008, réformant les règles de prescription, n’a pas eu pour effet d’étendre le bénéfice de l’interruption du délai de prescription à d’autres personnes que le demandeur à l’action. C’est d’ailleurs ce qui a été récemment rappelé par le Conseil d’Etat le 20 novembre 2020 (voir notre article : « La demande d’expertise n’interrompt la prescription qu’à l’égard du demandeur« )
A cette occasion la Haute Juridiction a précisé que pour qu’une citation en justice puisse interrompre la prescription, elle doit :
-émaner du titulaire du droit menacé par la prescription ;
-viser celui qui en bénéficierait.
Très concrètement, concernant la responsabilité décennale des constructeurs, le Conseil d’Etat a jugé qu’une demande dirigée contre un constructeur, n’a pas pour effet d’interrompre la prescription à l’égard de son assureur, si celui-ci n’a pas été également cité en justice. En outre, lorsqu’une demande est dirigée contre un assureur, au titre de la garantie décennale, elle doit, pour interrompre la prescription, préciser en quelle qualité il est mis en cause, et mentionner l’identité du constructeur qu’il assure.
En conséquence, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance de la Présidente de la Cour administrative d’appel et a fait droit au demandeur.