Par un arrêt rendu le 7 janvier 2021, la Cour Administrative d’Appel de Lyon a jugé qu’un Plan de Prévention des Risques Naturels (PPRN) ne devenait opposable aux tiers qu’à compter de l’accomplissement des mesures de publicité requises par les dispositions de l’article R. 562-9 du code de l’environnement (mention dans le RAA de l’Etat dans le département, dans un journal diffusé dans le département et affichage en mairie pendant un mois).
CAA de Lyon, 7 janvier 2021, n°19LY01521
La Cour Administrative d’Appel de Lyon vient de rendre un arrêt intéressant en matière d’opposabilité aux tiers des PPRN et ce, en adoptant une position contraire à son rapporteur public sur ce point précis.
En l’espèce, une Commune a refusé de proroger la validité d’un permis de construire en raison de ce que la demande de prorogation, formée par les bénéficiaires du permis, lui était parvenue tardivement, moins de deux mois avant l’expiration du délai de validité (Cf. article R. 424-22 du code de l’urbanisme).
Ce refus de prorogation a été contesté devant le Tribunal administratif de Grenoble. La Commune n’étant pas en mesure d’apporter la preuve de la notification initiale du permis de construire, il a été sollicité une substitution de motifs tiré de l’évolution défavorable d’une servitude administrative à l’égard du projet en question (Cf. article R. 424-21 du code de l’urbanisme).
En effet, il apparaît que si la demande de prorogation datait du 29 juin 2016, un Plan de Prévention des Risques Naturels (PPRN) a été approuvé le 20 juillet 2016. Ce PPRN classait la parcelle d’assiette du projet en zone bleue foncée Zt, secteur à aléa fort soumis à des prescriptions fortes, rendant cette dernière insusceptible de recevoir de nouvelles constructions.
Aussi, et au regard cette nouvelle servitude administrative intervenue avant l’expiration du délai de validité du permis de construire en question, le Tribunal administratif de Grenoble (21 février 2019, n°1605635) a accueilli la demande de substitution de motifs en jugeant que le PPRN était immédiatement opposable aux tiers, et ce, pendant une durée d’un an à compter de l’approbation de ce plan :
« 6. Cet arrêté préfectoral du 20 juillet 2016, approuvant le plan de prévention des risques naturels doit être regardé, comme une servitude administrative, à laquelle est soumise le projet, ayant évolué de façon défavorable à son égard au sens des dispositions de l’article R. 424-21 du code de l’urbanisme, faisant obstacle à la prorogation sollicitée. En effet, cet arrêté, qui classe la parcelle d’assiette du projet en zone bleue foncée Zt, est entré en vigueur à la date de la décision attaquée du 22 août 2016. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte des dispositions combinées des articles L. 562-4 du code de l’environnement, L. 153-60, L. 151-43 et L. 152-7 du code de l’urbanisme que l’ensemble des servitudes instituées par un plan de prévention des risques naturels prévisibles sont immédiatement opposables, pendant une durée d’un an à compter de l’approbation de ce plan, aux décisions d’occupation du sol, seules les servitudes expressément annexées au plan local d’urbanisme demeurant opposables au-delà de ce délai.
7. Il résulte de l’instruction que l’autorité administrative aurait pris la même décision si elle avait entendu se fonder initialement sur ce motif qui préexistait à la date de la décision attaquée. Par suite, et dès lors que cette substitution ne prive pas les requérants d’une garantie procédurale liée au motif substitué, il y a lieu d’y faire droit. »
Le Tribunal suivait ici la jurisprudence rendue par le Conseil d’Etat qui avait jugé que « l’ensemble des servitudes instituées par un plan de prévention des risques naturels prévisibles sont immédiatement opposables, pendant une durée d’un an à compter de l’approbation de ce plan, aux décisions d’occupation du sol, seules les servitudes expressément annexées au plan local d’urbanisme demeurant opposables au-delà de ce délai ; » (CE, 19 novembre 2010, n° 331640).
Devant la Cour administrative d’Appel de Lyon, saisie par les bénéficiaires du permis de construire, la question de l’opposabilité du PPRN s’est à nouveau posée.
Dans ses conclusions, le Rapporteur Public a proposé de suivre le raisonnement du TA de Grenoble, non sans citer un arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Marseille (9 février 2017, 15MA02991) jugeant qu’un PPRI ne devenait opposable aux tiers, que s’il avait été régulièrement publié selon les modalités prévues à l’article R. 562-9 du code de l’environnement (mention dans le RAA de l’Etat dans le département, dans un journal diffusé dans le département et affichage en mairie pendant un mois). Concluant à la confirmation du jugement rendu par le TA de Grenoble et au rejet de la requête d’appel, le rapporteur public proposait néanmoins à la Cour Administrative d’appel de Lyon de ne pas suivre la position de leurs homologues marseillais sur ce point.
Toutefois, le rapporteur public n’a finalement pas été suivi par la CAA de Lyon qui a décidé de se ranger derrière la position de la CAA de Marseille en jugeant que :
« 5. Aux termes de l’article R. 562-9 du code de l’environnement : « (…) le plan, éventuellement modifié, est approuvé par arrêté préfectoral. Cet arrêté fait l’objet d’une mention au recueil des actes administratifs de l’Etat dans le département ainsi que dans un journal diffusé dans le département. Une copie de l’arrêté est affichée pendant un mois au moins dans chaque mairie et au siège de chaque établissement public de coopération intercommunale compétent pour l’élaboration des documents d’urbanisme sur le territoire desquels le plan est applicable. »
6. Ainsi que le soutiennent les requérants, la commune n’a pas justifié de l’accomplissement des mesures de publicité requises par les dispositions de l’article R. 562-9 du code de l’environnement, qui conditionnent l’opposabilité de cette servitude à l’égard des tiers. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que le PPRN n’était pas opposable à la date de l’arrêté attaqué et que c’est ainsi à tort que les premiers juges ont procédé à une telle substitution de motif. »