La suspension de la prescription, en application de l’article 2239 du code civil, lorsque le juge accueille une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès, le cas échéant faisant suite à l’interruption de cette prescription au profit de la partie ayant sollicité cette mesure en référé, tend à préserver les droits de cette partie durant le délai d’exécution de cette mesure et ne joue qu’à son profit, et non, lorsque la mesure consiste en une expertise, au profit de l’ensemble des parties à l’opération d’expertise, sauf pour ces parties à avoir expressément demandé à être associées à la demande d’expertise et pour un objet identique.
Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 20/11/2020, 432678
Par un jugement n° 1400269 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a condamné solidairement les sociétés Artelia Ville et Transport et Bauland Travaux publics à payer à la société Veolia une indemnité totale de 111 576,82 euros.
Par un arrêt n° 17LY01270 du 16 mai 2019, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par la société Veolia Eau – Compagnie générale des eaux contre ce jugement et, sur appel incident des sociétés Artelia Ville et Transport et Bauland Travaux publics, annulé ce jugement et rejeté la demande de la société Veolia Eau – Compagnie générale des eaux.
Le Conseil d’Etat a d’abord rappelé qu’il résulte des articles 2224, 2239, 2241 et 2242 du code civil que la demande adressée à un juge de diligenter une expertise interrompt le délai de prescription jusqu’à l’extinction de l’instance et que, lorsque le juge fait droit à cette demande, le même délai est suspendu jusqu’à la remise par l’expert de son rapport au juge.
Ensuite, il a précisé qu’alors même que l’article 2244 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 réservait un effet interruptif aux actes signifiés à celui qu’on veut empêcher de prescrire. termes qui n’ont pas été repris par le législateur aux nouveaux articles 2239 et 2241 de ce code, il ne résulte ni des dispositions de la loi du 17 juin 2008 ni de ses travaux préparatoires que la réforme des règles de prescription résultant de cette loi aurait eu pour effet d’étendre le bénéfice de la suspension ou de l’interruption du délai de prescription à d’autres personnes que le demandeur à l’action, et notamment à l’ensemble des participants à l’opération d’expertise.
Dans ce contexte, il a considéré que la cour administrative d’appel de Lyon n’avait pas commis d’erreur de droit en jugeant que la saisine du juge des référés du tribunal administratif par la commune, postérieurement au 14 septembre 2008, date à laquelle la société avait eu connaissance des désordres, aux fins de voir ordonner une expertise, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 6 février 2009, n’avait pu ni interrompre ni suspendre la prescription à l’égard de la société Véolia, dès lors que cette saisine n’émanait pas de cette société elle-même, et alors que cette société n’avait pas demandé expressément à être associée à cette demande d’expertise.