La Haute juridiction précise les conséquences de l’annulation des documents d’urbanisme visés aux articles L. 600-12 et L. 600-12-1 du code de l’urbanisme sur les autorisations d’urbanisme délivrées.
Conseil d’Etat, Avis n° 436934 du 2 octobre 2020
La société civile immobilière (SCI) du Petit Bois a demandé au Tribunal administratif de Lille d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 23 juillet 2015 par lequel le maire de Wissant (Pas-de-Calais) a délivré à la société Habitat 62/59 Picardie un permis de construire autorisant l’implantation d’un bâtiment de six logements et la démolition partielle de la salle des clubs.
Par un jugement du 4 avril 2018, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Par un arrêt du 17 décembre 2019, la Cour administrative d’appel de Douai a, avant de statuer sur l’appel de la SCI du Petit Bois, décidé de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d’Etat en soumettant à son examen les questions suivantes :
1°) Quels sont les motifs d’illégalité d’un des documents d’urbanisme visés aux articles L. 600-12 et L. 600-12-1 du code de l’urbanisme qui doivent être considérés comme étrangers aux règles d’urbanisme applicables au projet ? En particulier, l’illégalité externe dont est entaché un tel document doit-elle invariablement être regardée comme étrangère aux règles d’urbanisme applicables au projet ?
2°) Dans le cas où le document d’urbanisme a été totalement annulé ou déclaré illégal pour plusieurs motifs et où le seul motif qui n’est pas étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet n’affecte que certaines dispositions divisibles de ce document, faut-il en déduire qu’il appartient au juge d’examiner la légalité de la décision en litige en appréciant sa conformité, d’une part, aux dispositions du document d’urbanisme immédiatement antérieur, équivalentes à celles annulées ou déclarées illégales pour un motif qui n’est pas étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet, et, d’autre part, et pour le surplus, aux dispositions du document d’urbanisme annulées ou déclarées illégales mais pour un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet ?
Par cet avis, la Haute Juridiction a indiqué que l’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un document local d’urbanisme n’entraîne pas l’illégalité des autorisations d’urbanisme délivrées lorsque cette annulation ou déclaration d’illégalité repose sur un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet en cause, de sorte qu’il appartient au juge, saisi d’un tel moyen, de vérifier d’abord si l’un au moins des motifs d’illégalité du document local d’urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l’autorisation d’urbanisme.
Ainsi, il considère qu’un vice de légalité externe est étranger à ces règles, sauf s’il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d’urbanisme applicables au projet. En revanche, sauf s’il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet, un vice de légalité interne ne leur est pas étranger.
Il a, en outre, précisé que lorsque le document local d’urbanisme sous l’empire duquel a été délivrée l’autorisation contestée est annulé ou déclaré illégal pour un ou plusieurs motifs non étrangers aux règles applicables au projet en cause, la détermination du document d’urbanisme au regard duquel doit être appréciée la légalité de cette autorisation obéit, eu égard aux effets de la règle posée à l’article L. 600-12 du code de l’urbanisme, aux règles suivantes :
– dans le cas où ce ou ces motifs affectent la légalité de la totalité du document d’urbanisme, la légalité de l’autorisation contestée doit être appréciée au regard de l’ensemble du document immédiatement antérieur ainsi remis en vigueur ;
– lorsque ce ou ces motifs affectent seulement une partie divisible du territoire que couvre le document local d’urbanisme, ce sont les dispositions du document immédiatement antérieur relatives à cette zone géographique qui sont remises en vigueur ;
– si ce ou ces motifs n’affectent que certaines règles divisibles du document d’urbanisme, la légalité de l’autorisation contestée n’est appréciée au regard du document immédiatement antérieur que pour les seules règles équivalentes nécessaires pour assurer le caractère complet et cohérent du document.
Il considère ainsi que s’agissant d’un plan local d’urbanisme, une disposition du règlement ou une partie du document graphique qui lui est associé ne peut être regardée comme étant divisible que si le reste du plan forme avec les éléments du document d’urbanisme immédiatement antérieur le cas échéant remis en vigueur un ensemble complet et cohérent.
Par suite, lorsqu’un motif d’illégalité non étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet est susceptible de conduire à remettre en vigueur tout ou partie du document local d’urbanisme immédiatement antérieur, le moyen tiré de l’exception d’illégalité du document local d’urbanisme à l’appui d’un recours en annulation d’une autorisation d’urbanisme ne peut être utilement soulevé que si le requérant soutient également que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur.