La responsabilité d’une commune est engagée par la présence de restes mortels non identifiés dans une concession funéraire, cette faute contractuelle ayant occasionné au requérant un préjudice direct et certain consistant en la découverte macabre d’un corps dans sa concession quelques heures seulement avant les obsèques de son fils.
Tribunal Administratif de Lille, 19 mai 2020, n°1600954
Le père d’un défunt avait conclu un contrat de concession funéraire avec la Commune de Tourcoing. Alors que son fils devait être enterré, les travaux de creusement de la fosse funéraire ont conduit à la rupture d’une canalisation, entraînant le report de l’enterrement. Lorsque le père s’est rendu au cimetière pour l’enterrement, et a réalisé que la fosse n’avait pas été creusée à l’emplacement prévu par le contrat de concession funéraire, il a procédé, avec l’aide d’un agent communal, à des creusements improvisés qui ont mis à jour les restes mortels d’un corps inhumé dans sa concession. Les membres de la famille du défunt, dont son père, ont demandé la condamnation de la Commune à réparer le préjudice qu’ils estiment avoir subi du fait des conditions d’inhumation du défunt.
Tout d’abord, les requérants invoquent la responsabilité contractuelle de la Commune qui aurait méconnu ses obligations nées de la concession funéraire acquise en 1999 en livrant un terrain impropre à sa destination non libre d’occupation, et en communiquant à l’entreprise chargée de l’inhumation des informations erronées sur l’emplacement de la concession.
Le juge administratif rappelle que les tiers à un contrat administratif ne peuvent se prévaloir des stipulations de ce contrat, à l’exception de ses clauses réglementaires, et rejette sur ce fondement les conclusions présentées par les membres de la famille autres que le père du défunt (qui, lui, avait conclu le contrat de concession funéraire avec la Commune).
S’agissant des conclusions indemnitaires du père du défunt, le juge considère qu’ « au cas d’espèce, la présence de restes mortels issus d’une précédente concession n’est pas de nature à caractériser une impropriété à la destination de la parcelle concédée, dès lors que le terrain demeure utilisable à la seule condition de l’exhumation de ces restes mortels » et que le requérant n’apporte pas la preuve que les informations relatives à l’emplacement de la fosse à réaliser auraient été erronées.
En revanche, il considère que la Commune a méconnu ses obligations résultant des articles R.2223-20 et R.2223-21 du code général des collectivités territoriales selon lesquels une Commune, qui reprend un terrain occupé par une concession arrivée à échéance ou réputée abandonnée, doit nécessairement enlever les monuments, signes funéraires et caveaux présents sur la concession reprise ainsi qu’exhumer les restes mortels et les transférer à l’ossuaire municipal pour crémation, avant de conclure un nouveau contrat de concession sur ce même terrain. Il en conclut que cette faute contractuelle a occasionné au requérant un préjudice direct et certain pour lequel la Commune doit être condamnée à verser des dommages et intérêts.
Le Tribunal condamne donc, à ce titre, la Commune à verser au père du défunt la somme de 4 000 euros en réparation des préjudices subis.
Ensuite, les requérants invoquent la responsabilité extracontractuelle de la Commune.
Le juge administratif rejette les conclusions du père du défunt qui, en tant que titulaire du contrat de concession, ne pouvait agir que sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Il rejette également les moyens soutenus par les autres membres de la famille du défunt en considérant que :
- D’une part, ils ne démontrent pas que le conservateur du cimetière aurait omis de vérifier que la société funéraire était dépositaire d’une habilitation préfectorale pour procéder à l’inhumation, en application de l’article L.2223-23 du code général des collectivités territoriales ;
- D’autre part, le fait que les travaux d’exhumation du corps découvert dans la concession ont eu lieu à une heure d’ouverture au public en violation de l’article R.2213-46 du code général des collectivités territoriales est sans rapport avec les préjudices dont ils se prévalent.