Si la procédure d’autorisation, issue de l’article 3 du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020, qui prévoit que les manifestations sur la voie publique mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes ne peuvent se dérouler qu’après autorisation par le préfet, est de nature à créer un doute quant à la légalité des dispositions qui la prévoient, tel n’est pas le cas pour le V de l’article 3 du même décret qui prévoit une interdiction générale et absolue des rassemblements de plus de 5000 personnes sur le territoire de la République jusqu’au 31 août 2020.
Conseil d’Etat, 6 juillet 2020, n° 441257, 441263, 441384
Cette ordonnance fait suite à celle rendue par le juge des référés du Conseil d’Etat le 13 juin qui avait suspendu l’exécution des dispositions de l’ancien I de l’article 3 du décret du 31 mai 2020 en tant que l’interdiction qu’elles édictaient s’appliquait aux manifestations sur la voie publique soumises à l’obligation d’une déclaration préalable en vertu de l’article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure.
A la suite de cette suspension, le premier ministre avait modifié ce décret en ajoutant un II bis à l’article 3 du décret pour prévoir que l’interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes ne s’appliquerait pas aux manifestations autorisées (le régime de droit commun prévoit une déclaration) par le préfet de département si elles permettaient de garantir le respect des gestes barrières.
Le Conseil d’Etat a alors été saisi de plusieurs requêtes tendant à ce que cette procédure d’autorisation, mais également l’interdiction générale et absolue des rassemblements de plus de 5000 personnes maintenue jusqu’au 31 août 2020, soient suspendues.
Les requérants soutenaient notamment qu’il était porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester et que le pouvoir réglementaire ne pouvait substituer un régime d’autorisation à un régime de déclaration préalable et que l’autorisation d’interdiction des rassemblements de plus de 5000 personnes n’étaient ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée.
Les juges du Palais Royal vont dans en premier temps se prononcer sur la procédure d’autorisation mise en place par la combinaison du I et II bis de l’article 3 du décret.
Le Conseil d’Etat va faire droit, sur ce point, aux demandes des requérants en rappelant qu’ en superposant la procédure d’autorisation à la procédure de déclaration, aussi longtemps que le préfet ne se prononçait pas sur la demande dont il était réputé être saisi, la manifestation demeurait en principe interdite, là ou l’objet de la déclaration était d’autoriser une manifestation en l’absence de décision d’interdiction prise par le préfet. A cela s’ajoutait l’absence d’un recours utile devant le juge administratif dès lors qu’aucun délai n’était imposé au préfet pour se prononcer.
Dans ces conditions, le Conseil d’Etat va considérer que cette procédure était propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à sa légalité et suspendre les dispositions qui la prévoient en considérant la condition d’urgence remplie eu égard à l’imminence de plusieurs manifestations dont les requérants se prévalent.
Le Conseil d’Etat va ensuite se prononcer sur le V de l’article 3 du décret qui prévoit qu’aucun événement de plus de 5000 personnes ne peut se dérouler sur le territoire de la République jusqu’au 31 août 2020.
Il va sur cet aspect considérer qu’en l’état de la situation épidémiologique nationale, le moyen tiré de ce que les dispositions qui interdisent de manière générale et absolue toute manifestation réunissant plus de 5000 personnes porteraient une atteinte à la liberté de manifester qui n’est ni nécessaire, ni adapté ni proportionnée, n’est pas de nature à créer un doute sérieux quant à leur légalité.