L’interdiction générale et absolue de manifester sur la voie publique prévue à l’article 3 du décret du 31 mai 2020 porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester dans le cas où la manifestation est déclarée et que les gestes barrières sont respectés.
Conseil d’Etat, 13 juin 2020, n°440846, 440856 et 441015
Le décret du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-9 dans le cadre de l’Etat d’urgence sanitaire est venu dans son article 3 interdire les rassemblements de plus de 10 personnes autres que ceux listés par le décret.
Le Conseil d’Etat a été saisi par la Ligue des droits de l’Homme, l’association SOS racisme et la Confédération Générale du Travail et autres syndicats, d’un référé liberté sur la base de l’article L.521-2 du code de justice administrative dans le but d’obtenir la suspension de l’article 3 du décret du 31 mai 2020.
Le Conseil d’Etat rappelle que la liberté d’expression et de communication est garantie par la Constitution et la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et que l’une de ses composantes est la liberté de manifester et de se réunir. Pour le Conseil d’Etat, ces libertés sont des libertés fondamentales et une condition de la démocratie.
Le Conseil d’Etat explique que le respect des mesures barrières dans des manifestations « présente une complexité particulière ». Cependant, selon lui, l’organisation de ces manifestations n’est pas impossible et il rappelle les avis du Conseil Scientifique selon lesquels l’épidémie de Covid-19 n’est pas en train de reprendre en France. De ce fait, l’interdiction générale et absolue des manifestations ne peut être justifiée et proportionnée par rapport aux seuls risques sanitaires liés à l’épidémie.
Le juge rappelle d’ailleurs que les manifestations sur les voies publiques doivent être obligatoirement et préalablement déclarées en vertu L.211-1 du code de la sécurité intérieure et peuvent être interdites par l’autorité administrative dans les cas visés à l’article L.211-4 du même code.
Pour terminer, le Conseil d’Etat conclut en énonçant que l’interdiction de manifester prévue à l’article 3 du décret du 31 mai 2020 présente un caractère général et absolu et ne peut être considérée comme une mesure nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif de préservation de la santé publique.
En conséquence, le Conseil d’Etat déclare que l’article 3 du décret du 30 mai 2020 porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales, que le caractère de l’urgence est également rempli du fait de la survenance proche de manifestations et qu’il a lieu de suspendre l’article 3 du décret du 30 mai 2020.