Le juge du référé contractuel est tenu soit de priver d’effets le contrat en l’annulant ou le résiliant, soit de prononcer une sanction de substitution consistant en une pénalité financière ou une réduction de la durée du contrat à l’encontre de l’acheteur qui aurait signé le contrat alors qu’une requête en référé précontractuel aurait été introduite à l’encontre de la procédure.
Par ailleurs, la circonstance que l’offre du concurrent évincé, auteur du référé contractuel, soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir de l’irrégularité de l’offre de la société attributaire du contrat en litige.
Conseil d’Etat, 27 mai 2020, Sté Clean Building, n°435982.
La société Clean Building a introduit une requête en référé précontractuel devant le Tribunal administratif de la Martinique contre la décision de rejet de ses offres faites sur huit lots dans le cadre d’une consultation lancée par la collectivité territoriale de Martinique et relative à la conclusion d’un accord-cadre de prestations de nettoyage de locaux administratifs.
Le Conseil d’Etat commence par rappeler les dispositions du code de justice administrative encadrant le référé précontractuel, et notamment le fait que, lorsqu’un tel référé est introduit, les parties doivent nécessairement attendre notification de la décision juridictionnelle pour signer le contrat (article L.551-4 du code de justice administrative).
Il précise qu’en application de l’article L.551-14 du code de justice administrative, et puisque le contrat a été signé alors même qu’un référé précontractuel avait été introduit par la société Clean Building, la voie du recours en référé contractuel a été ouverte à cette dernière.
Il prévoit ensuite que le juge contractuel, constatant la signature du contrat alors même qu’un référé précontractuel avait été introduit, est tenu soit de priver d’effets le contrat en l’annulant ou en le résiliant, soit de prononcer une sanction de substitution consistant en une pénalité financière ou une réduction de la durée du contrat. Le rejet des conclusions présentées à fin de nullité du contrat ne fait pas obstacle à ce que soit prononcée, même d’office, une sanction de substitution.
Il en déduit que, dès lors que le contrat a été signé alors que la collectivité avait connaissance de l’introduction d’un référé précontractuel, le Tribunal administratif aurait dû prononcer une de ces sanctions à l’encontre de ladite collectivité quand bien même il n’était pas saisi de conclusions en ce sens.
Par ailleurs, le juge estime que « la circonstance que l’offre du concurrent évincé, auteur du référé contractuel, soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir de l’irrégularité de l’offre de la société attributaire du contrat en litige ».
En l’occurrence, l’offre retenue sur le lot n°7 pouvait être assimilée à une offre irrégulière en raison de son caractère anormalement bas.
Le Conseil d’Etat estime que le Tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que la société requérante Clean Building ne pouvait pas utilement se prévaloir de cette irrégularité au motif que sa propre offre était également irrégulière, faute pour elle d’avoir répondu dans les délais prescrits à la demande de justification des prix de son offre que lui avait adressée la collectivité, et qu’elle n’avait ainsi perdu aucune chance d’obtenir le contrat.
Il en ressort que, même si l’offre du requérant peut elle-même être regardée comme irrégulière, cela ne l’empêche pas de se prévaloir d’une irrégularité entachant l’offre du soumissionnaire retenu.
Le Conseil d’Etat paraît faire application de la jurisprudence communautaire selon laquelle le candidat évincé qui fait valoir que l’offre retenue est irrégulière ne peut se voir opposer l’irrégularité de sa propre offre (CJUE, 5 septembre 2019, Lombardi, C-333/18).
Le juge conclut ainsi à la condamnation de la collectivité au paiement d’une pénalité financière d’un montant de 10 000 euros, pour avoir signé le contrat alors même qu’une procédure de référé précontractuel était introduite, et à l’annulation du lot n°7 du marché, en raison du caractère anormalement bas de l’offre.