Les décisions d’autorisation de production d’électricité, qui sont des décisions ayant une incidence sur l’environnement, doivent être élaborées avec la participation du public. En revanche, les projets ayant été réalisés en méconnaissance de cette obligation ne pourront pas être remis en question sur ce fondement, pour préserver les situations juridiques existantes.
Conseil Constitutionnel, décision n°2020-843 QPC, 28 mai 2020
Le 10 janvier 2013, le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a autorisé la société Direct énergie génération à exploiter une centrale de production d’électricité de type cycle combiné à gaz à Landivisiau, en application de l’article L. 311-1 du code de l’énergie.
L’association Force 5 a saisi le tribunal administratif de Rennes d’une demande en annulation de cet arrêté. Les juges de première instance ont rejeté cette requête pour défaut d’intérêt donnant qualité pour agir. La requérante a interjeté appel et la CAA de Nantes a rendu un arrêt confirmatif le 15 mai 2017 (CAA Nantes, 15 mai 2017, 15NT03726). Par une décision n°412493 du 25 février 2019, le Conseil d’Etat a annulé cet arrêt et renvoyé le litige devant la Cour. A cette occasion, les juges d’appel ont, une nouvelle fois, rejeté la demande de l’association Force 5 (CAA Nantes, 5ème chambre, 19 juillet 2019, n°19NT00848).
A l’appui d’un nouveau pourvoi, l’association Force 5 a demandé au Conseil d’Etat, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 311-5 du code de l’énergie (CE, 4 mars 2020, n°434742).
Le Conseil constitutionnel a d’abord considéré que les éléments pris en compte par l’autorité lorsqu’elle se prononce sur l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité (le choix des sites, l’implantation de l’installation, les conséquences sur l’occupation des sols, l’efficacité énergétique et la compatibilité du projet avec la protection de l’environnement) témoignent de l’incidence sur l’environnement que peut avoir ce type de décision, au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement.
En vertu de cet article : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».
Or, en l’espèce aucune disposition n’assurait la mise en oeuvre de ce principe de participation du public à l’élaboration des décisions publiques de l’article L. 311-5 pré-cité, avant l’adoption de l’ordonnance n°2013-714 du 5 août 2013, relative à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement.Cette ordonnance, prise sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, a inséré un article L. 120-1-1 dans le code de l’environnement qui impose désormais, pour les décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement n’appartenant pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu une participation du public, la mise à disposition du public par voie électronique du projet de décision et du dossier de demande, ainsi que la possibilité de déposer ensuite des observations par voie électronique.
En conséquence les juges de la rue Montpensier ont conclu à une méconnaissance par le législateur des exigences de l’article 7 de la Charte de l’environnement limitée entre le 9 mai 2011 et le 31 août 2013.
Toutefois, soucieux de préserver la pérennité des situations juridiques existantes, le juge constitutionnel rappelle que l’article 62 de la Constitution lui donne la faculté de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produit avant l’intervention d’une déclaration d’inconstitutionnalité. Il décide alors, tout en rappelant qu’une telle déclaration doit en principe bénéficier à l’auteur de la QPC, que les mesures ayant été prises avant le 1er septembre 2013 sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité, dans la mesure où de telles remises en cause auraient des conséquences « manifestement excessives« .