La surveillance par drone porte atteinte au droit à la protection des données personnelles dès lors que la surveillance aurait dû être autorisée par arrêté ministériel après avis de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés.
Conseil d’Etat, 18 mai 2020 n°440442 et 440445
Par une décision en date du 18 mars 2020, le Préfet de police de la ville de Paris a organisé un dispositif visant à capturer des images par drone et à les exploiter dans le but de faire respecter les mesures de confinement.
L’association « La Quadrature du Net » et la Ligue des droits de l’Homme ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris d’une requête sur le fondement de l’article L.521-2 du code de justice administrative tendant à la suspension de l’exécution de la décision du préfet de police de la ville de Paris et à l’injonction de mettre fin au dispositif de surveillance et de détruire les images déjà enregistrées. Les associations se sont pourvues en cassation devant le Conseil d’Etat, suite au rejet de leur requête par le juge des référés.
Le Conseil d’Etat a d’abord rappelé que dans le contexte de l’état d’urgence sanitaire, les autorités compétentes peuvent prendre, pour la sauvegarde de la santé de la population, toutes mesures pour limiter ou prévenir les effets de l’épidémie même dans le cas où ces mesures entraîneraient une limitation des droits et libertés fondamentales. Les mesures doivent cependant être nécessaires, adaptées et proportionnées.
Le Conseil d’Etat commence par rappeler qu’au sens de l’article L.521-2 du code de justice administrative la liberté d’aller et venir et le droit au respect de la vie privée, qui comprend le droit à la protection des données personnelles, constituent des libertés fondamentales.
Le Conseil d’Etat retient également la condition de l’urgence dans cette affaire puisque de nombreuses personnes sont susceptibles de faire l’objet de cette surveillance par drones et du fait des effets, de la fréquence et du caractère répété des mesures de surveillance.
Sur l’atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales, le Conseil d’Etat retient que le dispositif est légitime et nécessaire pour la sécurité publique. De plus l’usage du dispositif de surveillance par drone n’est pas de nature par lui-même à porter une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales.
Cependant, le Conseil d’Etat retient que le dispositif de surveillance par drone permet à la préfecture de police de la ville de Paris de collecter des images via des vols d’une hauteur de 80 à 100 mètres ainsi que des zooms optiques permettant de collecter des données identifiantes.
De plus, les drones ne comportent pas de dispositifs de nature à empêcher l’identification des personnes. Pour le Conseil d’Etat la surveillance par drone entraîne donc un traitement de données à caractère personnel qui relève du champ d’application de la directive du 27 avril 2016 ainsi que des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 informatique et liberté.
Au vu de ce cadre juridique, une autorisation ministérielle après avis de la commission national informatique et liberté aurait dû être sollicitée.
Le Conseil d’Etat enjoint donc l’Etat de faire cesser la surveillance par drone tant qu’un texte réglementaire ne sera pas pris après avis de la CNIL ou tant que les drones ne seront pas dotés de dispositifs techniques pour empêcher l’identification des personnes filmées.