Par ordonnance n°2020-562 en date du 13 mai 2020 visant à adapter le fonctionnement des institutions locales et l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux à la prolongation de l’état d’urgence sanitaire de l’épidémie de covid 19, publiée le 14 mai, ont été adoptées un certain nombre de dispositions qui modifient tant la loi du 23 mars, que l’ordonnance institutionnelle du 1er avril dernier. Cette ordonnance a donné lieu à une Notice explicative de la DGCL du même jour.
Par décret N°2020-571 du 14 mai, publié le 15 mai 2020, est désormais fixée la date d’entrée en fonction des conseillers municipaux (et communautaires) dans les Communes (et EPCI) dont l’assemblée élue, a été entièrement renouvelée dès le premier tour des élections municipales et communautaires organisé le 15 mars dernier.
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Des modalités d’installation encore assouplies
Si les dispositions de l’ordonnance 2020-562 viennent adapter encore les modalités de fonctionnement des assemblées locales pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, qui court désormais jusqu’au 10 juillet prochain, elles visent également à préciser les modalités d’installation des nouvelles municipalités dans les Communes où le vote a été acquis lors du premier tour des élections municipales et communautaires.
Le 15 mars dernier, bon nombre de conseils municipaux ont été intégralement renouvelés à l’occasion du vote intervenu, tel est le cas dans plus de 85 % des quelques 35 000 Communes du territoire, représentant un peu plus de 60 % de la population.
Avec le décret publié le 15 mai, la date d’entrée en fonction de ces nouveaux élus, municipaux et communautaires, est désormais – enfin, diront certains – fixée au 18 mai 2020. Autrement dit, les Conseils municipaux élus au complet dès le premier tour vont ainsi pouvoir s’installer entre le samedi 23 mai et le jeudi 28 mai prochain. L’élection des nouveaux Maires et des Adjoints se tiendra donc dans les tous prochains jours. Il restait donc à fixer des règles organisant ladite séance d’installation, ce qui a été, en grande partie, opéré par les dispositions de l’ordonnance n°2020-562 publiée le 15 mai dernier.
C’est sur la base de l’avis favorable rendu par le Conseil scientifique le 8 mai dernier, sur saisine du Premier Ministre, que le Gouvernement a entendu donner son feu vert à l’installation des nouveaux Conseils municipaux, avis favorable certes, mais assorti d’un certain nombre de recommandations, tenant au lieu, aux modalités de fonctionnement et au respect des règles sanitaires générales.
S’agissant du lieu de réunion, il est prévu que lorsque la salle du Conseil n’est pas de nature à permettre d’accueillir la tenue d’une telle réunion dans des conditions permettant d’assurer le respect des règles sanitaires, le Conseil municipal peut décider de se réunir en tout lieu, y compris en dehors du territoire de la Commune. Encore faut-il que ce lieu ne contrevienne pas au principe de neutralité et qu’il offre les conditions d’accessibilité, de sécurité nécessaires et qu’il permette d’assurer la publicité des séances. Le dispositif prévoit expressément que, dans une telle hypothèse, à savoir un lieu autre que la salle du Conseil municipal, le Maire doit en informer préalablement le Préfet.
Il doit être relevé que ce mode opératoire a vocation à s’appliquer tant à la séance d’installation du nouveau Conseil municipal, qu’à toute séance ordinaire du Conseil municipal pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire.
Pour ce qui est des modalités d’organisation et de tenue du Conseil municipal, l’ordonnance innove, en matière de participation du public. Ainsi, le Maire peut-il, pour assurer la tenue de la réunion du Conseil municipal, qu’il s’agisse ou non de la séance d’installation (dans cette dernière hypothèse, c’est le Maire sortant qui est appelé à convoquer), décider, qu’elle se déroulera sans que le public ne soit autorisé à y assister ou qu’un nombre maximal de personnes soit autorisé à y assister selon la capacité de la salle et dans le respect des consignes sanitaires.
En outre, il est indiqué que le caractère public de la réunion est réputé satisfait lorsque les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique.
Si le Maire décide de faire usage du huis clos (dans les conditions du droit commun de l’article L. 2121-18 du CGCT, nécessitant un motif justifiant le huis clos), lequel huis clos était recommandé par le Conseil scientifique dans son avis du 8 mai dernier, ou d’un nombre maximal de personnes autorisées, il doit impérativement en faire mention sur la convocation de l’organe délibérant.
De plus, en matière de quorum, et là encore dans le droit fil des préconisations de l’avis du Conseil scientifique, celui-ci est fixé, pour la séance d’installation, à un tiers des membres en exercice présents (présents et représentés pour les séances ordinaires, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire), étant précisé que si après une première convocation régulièrement opérée, ce quorum n’est pas atteint, le Conseil municipal est à nouveau convoqué à trois jours au moins d’intervalle et délibère alors sans condition de quorum. Dans tous les cas, un conseiller municipal peut être porteur de deux pouvoirs.
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Sur l’installation des EPCI
S’agissant de 154 EPCI à fiscalité propre qui ont vu la totalité de leurs conseillers communautaires élus le 15 mars dernier, possibilité leur est également donnée de procéder à leur installation. Conformément aux dispositions de l’article VI de l’article 19 de la loi COVID du 23 mars 2020, qui fixe la réunion de l’assemblée délibérante communautaire dans sa nouvelle composition, au plus tard trois semaines après la date d’entrée en fonction des élus, ladite séance d’installation aura donc lieu au plus tard le 8 juin prochain.
Il appartient au Président sortant de convoquer le Conseil communautaire afin d’élire le Président et les Vice-Présidents de l’EPCI, voire de statuer sur d’autres sujets, fixés à l’ordre du jour (délégations, indemnités, emplois de cabinet…) sous réserve des recommandations de l’avis du Conseil scientifique qui préconise de limiter autant que possible l’ordre du jour de la séance d’installation, et par voie de conséquence, la durée de ladite séance d’installation.
Cette convocation ne pourra, bien évidemment, intervenir qu’une fois l’élection de tous les Maires des Communes de moins de 1 000 habitants dont le conseil municipal est complet, acquise, et ce, afin d’identifier les conseillers communautaires désignés dans l’ordre du tableau.
Pour ce qui est des modalités d’organisation de cette séance d’installation des nouvelles assemblées communautaires, les aménagements tels que posés par les termes de l’ordonnance 2020-562 restent applicables.
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Sur les autres ajustements aux règles dérogatoires…et la situation étonnante des membres de l’exécutif communautaire
L’article 2 de l’ordonnance complète la liste des élus communautaires et métropolitains pour lesquels le principe de la prolongation est posé. C’est ainsi que sont concernés par ce principe posé à l’article 19 VII de la loi COVID du 23 mars dernier, non seulement le Président et les Vice-Présidents, mais également, les autres membres du Bureau qui sont également dans leur fonctions, et ce, jusqu’à l’installation des nouvelles assemblées communautaires et métropolitaines. Naturellement, cela ne concerne que les EPCI à fiscalité propre dont l’ensemble des conseillers n’a pas été désigné dès le premier tour de scrutin.
Plus étonnante sans doute est la fixation du terme fixé pour l’application de la mesure qui a étendu de plein droit les attributions de l’exécutif tant communal que communautaire. C’est par l’article 1er de l’ordonnance institutionnelle du 1er avril qu’avait, en effet, été dévolue au Maire et au Président de l’EPCI, la presque quasi-totalité des compétences qui étaient celles fixées respectivement au Conseil municipal et au Conseil communautaire.
L’ordonnance 2020-562 précise expressément que cette dévolution, pour ce qui est des entités communales et communautaires pour lesquelles l’assemblée n’a pas été élue de manière complète à l’issue du 1er tour de scrutin du 15 mars, s’applique à, compter du 12 mars et jusqu’au 10 juillet inclus. On s’étonnera d’une telle mention expresse alors même que les termes de l’ordonnance institutionnelle avaient bel et bien prévu que ces pouvoirs exorbitants du droit commun, en matière de délégation d’attributions conférée à l’exécutif, s’appliquaient pendant la durée de l’état d’urgence.
Plus étonnante encore est la situation de membres d’exécutif communautaire qui ont d’ores et déjà perdu leur mandat de Conseiller municipal et par voie de conséquence, leur qualité de Conseiller communautaire.
Sont donc ici visés, l’ensemble des Présidents, Vice-Présidents et les autres membres du Bureau d’EPCI dont la totalité des conseillers n’a pas été élue au premier tour de scrutin, qui ne sont plus conseillers communautaires, soit parce qu’ils n’étaient pas candidats, soit par ce qu’ils ont été battus lors du scrutin du 15 mars dernier.
Pour ces membres de l’exécutif communautaire sortant, et comme confirmé par la Note du Ministère de la Cohésion des Territoires du 15 mai 2020, ils ne sont plus membres de l’organe délibérant, donc ils ne sont plus comptabilisés dans le nombre et la répartition des conseillers communautaires, tels qu’issus de l’arrêté préfectoral pris en application de l’article L. 5211-6-1 du CGCT (fixant la composition de l’assemblée communautaire). Aussi, ils ne sont plus comptabilisés dans le calcul du quorum nécessaire pour la réunion du Conseil communautaire.
Pour autant, ils conservent la plénitude de leurs attributions exécutives, leurs attributions n’étant pas, faut-il le rappeler, limitées à la seule gestion des affaires courantes. Ainsi, s’ils ont vocation à participer aux réunions de l’organe délibérant, ils peuvent présenter les délibérations mises au vote, prendre part aux débats, mais ne participent pas au vote.
Plus paradoxal encore, les mêmes pourront, en revanche, non seulement participer aux débats, mais également voter lors des réunions du Bureau, conservant la plénitude de leurs attributions exécutives…
Président, Vice-Présidents d’EPCI à fiscalité propre et autres membres du Bureau communautaire concernés pourront donc décider…pour autant qu’ils agissent dans le cadre de leurs attributions exécutives…mais seront privés du droit de vote lors des séances de l’assemblée communautaire…une situation pas seulement inédite en droit mais tout simplement ubuesque !
Il va donc falloir expliquer une telle situation aux élus concernés…ce qui ne manquera pas de susciter d’éventuelles difficultés…et ce, d’autant plus qu’une telle situation pourrait être amenée à durer, si l’achèvement des opérations électorales devait ne pas intervenir dans le courant du mois de juin… ce qui semble, toutefois, de plus en plus hypothétique !
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Sur la date du second tour
L’hypothèse du mois de juin, s’agissant du second tour de scrutin et de l’achèvement des opérations électorales, semble, en effet, désormais plus que probable… En tout état de cause, il faudra attendre l’avis du Conseil scientifique qui devrait être rendu ce jour sur le fondement duquel le Gouvernement devra trancher…en n’omettant pas de rappeler que si le second tour n’a pas lieu en juin prochain, ce n’est, a priori, plus un, mais deux tours qui devront être organisés, comme rappelé par le Conseil d’Etat dans son avis rendu le 18 mars dernier sur le projet de loi COVID.
Même si la méthode semble contestée par le Président du Sénat, le Gouvernement entend, s’agissant de la date de ce second tour de scrutin, établir un rapport, basé sur l’avis du Conseil scientifique, qui sera présenté au Parlement. Le Gouvernement souhaite solliciter de celui-ci un vote sans valeur législative, dans le cadre de l’article 50-1 de la Constitution, donc dans le cadre d’une démarche purement consultative…et ainsi partager, avec le Parlement, la responsabilité d’une décision qui lui incombe…et tenter d’éviter autant que possible les polémiques qui avaient suivi le maintien du premier tour de scrutin, le 15 mars dernier.
Mais, ne serait-ce qu’au regard de la situation susvisée qui est celle des membres de l’exécutif sortant, on ne peut que souhaiter, pour le bon fonctionnement de l’ensemble des EPCI, que la situation soit désormais très vite clarifiée.