Les Maires, ont la tentation d’intervenir au titre de leurs pouvoirs de police, pour renforcer, dans leurs Communes, les mesures sanitaires prises par le Gouvernement : obligation du port du masque, limitation drastique des déplacements, interdiction d’occuper des résidences secondaires…
Mais les jurisprudences rendues en la matière semblaient avoir « placé en quarantaine » les pouvoirs de police du Maire, le juge considérant que ces mesures, prises localement, portaient atteinte aux libertés fondamentales ou empiétaient sur les prérogatives de l’Etat.
De récentes décisions semblent néanmoins replacer le Maire au centre du dispositif sanitaire, dès lors que les décisions prises ont bien pour objet, et effet, de répondre à des spécificités locales.
Interdire l’accès aux résidences secondaires
Le Tribunal administratif de Grenoble (TA Grenoble, 28 avril 2020, req. n°2002394) a ainsi considéré que l’arrêté du Maire des Contamines Montjoie interdisant aux personnes de rejoindre leurs résidences secondaires au cours de la période de confinement, était légal au regard des spécificités locales.
Depuis la publication du décret n°2020-260 du 16 mars 2020 portant règlementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19, le confinement de l’ensemble de la population française a été institué et il est interdit à toute personne, en dehors des stricts motifs évoqués (Trajets domicile / lieux d’exercice de l’activité professionnelle, achats première nécessité, motif de santé, etc,…) de se déplacer hors de son domicile.
Pourtant, dès le 4 avril 2020, date du début des vacances scolaires de la zone C, un grand nombre de personnes (entre 400 et 500), venant de diverses Régions de France, sont arrivées aux Contamines Montjoie en vue d’y séjourner, soit dans des résidences secondaires, soit dans des locations saisonnières, et ce, sans justifier d’aucun motif dérogatoire pour effectuer ce déplacement.
Le Maire de la Commune des Contamines Montjoie, premier village de France touché dès le 8 février 2020 par cette pandémie, a donc décidé d’interdire « l’occupation des logements meublés non affectés à l’habitation principale, et non occupés depuis le début du confinement » et « les locations saisonnières de logements et d’hébergement de tous types et les mises à disposition gracieuse de ces mêmes logements ».
La Ligue des Droits de l’Homme a alors saisi, le Juge des référés liberté du Tribunal administratif de Grenoble, aux fins de suspension de l’arrêté attaqué, qui a rejeté sa demande.
Une jurisprudence restrictive
De nombreuses décisions ont fait droit aux demandes de suspension présentées à l’encontre des arrêtés de police du Maire en période sanitaire, le Juge administratif estimant que les conditions, posées par la jurisprudence désormais constante, et dont l’application à la période de crise sanitaire a été confirmée par l’ordonnance du Conseil d’Etat du 17 avril 2020, n’étaient pas remplies.
Sur les couvre-feux :
- TA Caen, 31 mars 2020, req. n°2000711
- TA Montreuil, 3 avril 2020, req. n°2033861
- TA de Cergy Pontoise, 28 avril 2020, req. n°2004144
- TA de Nantes du 24 avril 2020, req. n°2004365,
Sur les déplacements :
Sur le port du masque :
Conditions de légalité des mesures édictées
Pour rappel, la légalité des mesures édictées par l’exécutif communal, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, est soumise à la double condition suivante :
– qu’elles soient exigées par des raisons impérieuses propres à la Commune,
– qu’elles ne soient pas susceptibles de compromettre la cohérence et l’efficacité des mesures prises par l’Etat dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale.
Ainsi, dans sa décision du 28 avril 2020, le Tribunal administratif de Grenoble a jugé qu’aucune atteinte grave et illégale à une liberté fondamentale n’était portée par l’arrêté litigieux, dès lors que la Commune établissait la réalité de circonstances locales particulières, propres à son territoire.
En effet, l’arrivée de 400 à 500 personnes, dans la Commune de 1 193 habitants dont les résidences secondaires constituent 82 % du nombre total de logements, et qui avait été, dès le 8 février 2020, un des premiers centres français où avait été constatée l’existence d’un foyer de personnes contaminées par le Covid-19, imposant une campagne massive de dépistage et la fermeture des écoles et établissements recevant du public, démontrait que l’arrêté contesté répondait à des « nécessités locales objectives tout à fait particulières ».
A cette démonstration, s’ajoutait la situation géographique particulière de la Commune, située en zone de moyenne montagne, ne disposant que d’un seul accès routier avec le reste du département, rendant de facto plus difficile tant l’approvisionnement des denrées alimentaires, que la couverture des besoins médicaux et l’organisation des services publics en période d’intersaison.
L’ordonnance relève également que l’arrêté contesté, qui complétait les mesures prises par les autorités nationales et préfectorales, n’entrait pas en conflit avec celles-ci dès lors que les personnes visées par l’arrêté querellé avaient nécessairement méconnu les mesures de confinement décidées nationalement.
Le Tribunal a donc considéré que ces justifications spécifiques à la Commune, limitées dans le temps à la période de confinement et proportionnées aux risques manifestes encourus, ne pouvaient être regardées comme portant une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées dès lors qu’elles se bornaient à compléter le dispositif gouvernemental en vigueur.
La demande de suspension présentée par la Ligue des Droits de l’Homme a ainsi été rejetée, dans la droite ligne de la décision du 22 avril 2020, par laquelle le Juge des référés du Tribunal administratif de Nice a validé le couvre-feu instauré par le Maire de Nice.