Le juge ne peut déduire le caractère régularisable d’un ouvrage public irrégulièrement implanté, qui fait obstacle à ce que soit ordonnée sa démolition, de la seule possibilité pour son propriétaire, compte tenu de l’intérêt général qui s’attache à l’ouvrage en cause, de le faire déclarer d’utilité publique et d’obtenir ainsi la propriété de son terrain d’assiette par voie d’expropriation, mais est tenu de rechercher si une procédure d’expropriation avait été envisagée et était susceptible d’aboutir.
Conseil d’Etat, 28 février 2020, n°425743
Monsieur et Madame A ont formé un pourvoi contre la décision de la Cour administrative d’appel de Nantes qui annulait le jugement du Tribunal administratif de Nantes, enjoignant à la société Enedis de déplacer le transformateur électrique installé sur la parcelle dont ils sont propriétaires sur la Commune d’Errouville.
La Cour avait alors reconnu que le transformateur électrique était irrégulièrement implanté, en l’absence de titre, mais avait estimé qu’une telle emprise était régularisable par la voie de l’expropriation.
Or, le Conseil d’Etat a annulé la décision rendue par la Cour par un raisonnement en deux temps :
Il a d’abord rappelé la possibilité (établie par une décision précédente : Conseil d’Etat, 29 janvier 2003, n°245239) de détruire un ouvrage public mal planté lorsqu’aucune régularisation appropriée n’est possible et lorsque la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général :
» Lorsque le juge administratif est saisi d’une demande d’exécution d’une décision juridictionnelle qui juge qu’un ouvrage public a été implanté de façon irrégulière, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l’exécution de cette décision implique qu’il ordonne le déplacement de cet ouvrage, de rechercher, d’abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible ; que, dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d’une part, les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de l’enlèvement pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si cet enlèvement n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général. «
Il a ensuite considéré que la Cour avait commis une erreur de droit en retenant que l’implantation irrégulière de l’ouvrage pouvait faire l’objet d’une régularisation par la voie de l’expropriation compte tenu de l’intérêt général qui s’attachait à l’ouvrage, sans rechercher si une procédure d’expropriation avait été réellement envisagée et était susceptible d’aboutir.
Ainsi, la régularisation de l’ouvrage public mal planté ne doit pas être une simple hypothèse. L’arrêt de la cour administrative d’appel est par conséquent annulé et l’affaire est renvoyée à la Cour administrative d’appel de Nancy.