L’infraction de prise illégale d’intérêt est constituée (article 432-12 du Code pénal) pour un maire qui recrute sa sœur en qualité de directeur général des services sur sa Commune.
Cour de cassation, Chambre criminelle, 4 mars 2020, n°19-83.390
L’ancien maire de Givors avait nommé sa soeur, en 2014, au poste de directrice général des services après avoir assuré la surveillance des opérations de nomination et participé activement à la sélection du candidat, aux entretiens du jury de recrutement, au vote et à la signature personnelle des arrêtés de nomination.
Cité devant le tribunal correctionnel, il a été reconnu coupable de prise illégale d’intérêt et sa sœur coupable de recel de ce délit. La cour d’appel a confirmé la culpabilité de l’ancien maire en le condamnant à six mois de prison avec sursis et à une peine d’inéligibilité d’un an. Sa sœur a quant à elle été condamnée à quatre mois de prison avec sursis pour avoir « sciemment bénéficié du produit du délit commis par son frère, dont elle n’a pu ignorer l’existence compte tenu de leur lien familial ».
Saisi d’un pourvoi, la Cour de cassation considéré que la Cour d’appel a justifié sa décision dès lors que :
« Pour déclarer M. X… coupable de prise illégale d’intérêt et Mme Y…, coupable de recel de ce délit, l’arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l’article 432-12 du code pénal, énonce que le prévenu avait la charge d’assurer la surveillance et l’administration de l’opération de recrutement au poste fonctionnel de directeur général des services de la commune dont il était le maire.«
En outre, » le lien familial unissant les deux prévenus, frère et soeur, constitue un intérêt moral et suffit à caractériser l’intérêt quelconque exigé par le texte.«
Enfin, » Mme Y… a sciemment bénéficié du produit du délit commis par son frère (…) étant relevé qu’elle a signé, sous la qualité de directrice générale des services, les lettres d’information dénommées « Servir le public », datées de juillet et août 2014, révélant ainsi une décision prise, en accord avec son frère, antérieurement aux opérations mêmes de recrutement. «
La chambre criminelle rappelle que « l’abus de fonction ainsi caractérisé suffit à lui seul pour consommer le délit de prise illégale d’intérêts et l’intention coupable est constituée par le seul fait que l’auteur a accompli sciemment l’acte constituant l’élément matériel du délit. Il n’est pas nécessaire qu’il ait agi dans une intention frauduleuse ».
Elle ajoute que le fait que le maire « se soit soumis aux règles de recrutement instaurées par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et le décret n° 86-68 du 10 janvier 1986, est sans incidence sur la caractérisation de l’infraction dès lors qu’il est, en toute connaissance de cause, intervenu à tous les stades de la procédure ayant abouti au recrutement d’un membre de sa famille, quelles que soient les compétences professionnelles de celui-ci ».
L’arrêt est cependant cassé pour un motif de procédure, la cour d’appel, qui s’était borné à énoncer que chacune des peines apparaissait proportionnée à la nature et à la gravité des faits, ainsi qu’à la personnalité de leur auteur, n’avait pas suffisamment motivé sa décision.
L’affaire lui est donc renvoyée mais sur les seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues.