CE 23 oct. 2019, req. n° 423630
L’absence d’appel contre le jugement rejetant la demande de récusation de l’expert, ne fait pas obstacle à ce que, dans le cadre de litige indemnitaire, les parties se prévalent de l’absence d’impartialité de l’expert intervenu. En outre, si l’exercice de responsabilités au sein d’organisations syndicales n’est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à la réalisation d’une mission d’expertise, il appartient au Juge de s’assurer de l’impartialité de l’expert au regard des faits qui lui sont soumis.
Suite au décès in utero de leur enfant, M. et Mme A avaient sollicité, courant 2009, la condamnation de deux Centres hospitaliers, successivement intervenus dans le cadre du suivi de grossesse.
Le juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier avait, à leur demande, désigné un expert appelé à se prononcer sur la conformité aux règles de l’art de la prise en charge de Mme A… dans ces deux établissements. Au cours des opérations d’expertise, M. et Mme A avaient demandé la récusation de l’expert, qui exerçait des responsabilités au sein de la principale organisation syndicale nationale des gynécologues obstétriciens, au Tribunal administratif de Montpellier, qui avait rejeté leur demande en 2012. Ils n’avaient pas interjeté appel de cette décision.
En 2016, au vu du rapport d’expertise, qui concluait que la prise en charge de Mme A avait été conforme aux règles de l’art, le Tribunal administratif de Montpellier avait rejeté la demande des requérants, tendant à ce que les Centres hospitaliers soient condamnés à leur verser une provision à valoir sur l’indemnisation des préjudices résultant, pour eux, du décès de leur enfant.
Ce jugement avait été confirmé par la Cour administrative d’appel de Marseille.
Dans le cadre du pourvoi, le Conseil d’Etat était saisi du moyen tiré de l’absence d’impartialité de l’expert.
Il juge, à cet effet, que l’absence d’appel, contre le jugement rejetant la demande de récusation de l’expert, ne fait pas obstacle à ce que, dans le cadre de litige indemnitaire, les parties se prévalent de l’absence d’impartialité de l’expert intervenu.
Sur le fond, il rappelle que si l’exercice de responsabilités au sein d’organisations syndicales ou professionnelles de médecins n’est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à la réalisation d’une mission d’expertise, il appartient au juge de vérifier l’impartialité de l’expert à la lumière des faits qui lui sont soumis.
En l’espèce, il ressortait des pièces du dossier que l’expert désigné exerçait des responsabilités au sein de la principale organisation syndicale française de gynécologues obstétriciens, et avait ainsi, d’une part, pris parti, peu de temps avant la réalisation de l’expertise litigieuse et de manière publique, en expliquant qu’il était selon lui nécessaire que les gynécologues-obstétriciens soient mieux défendus devant les juridictions, et d’autre part, mis en place, au sein de l’Union professionnelle internationale des gynécologues-obstétriciens, une commission dont il assurait la direction et qui était notamment chargée d’aider les gynécologues-obstétriciens à faire réaliser des expertises aux fins d’assurer leur défense devant les juridictions saisies de litiges indemnitaires dirigés contre eux.
Le Conseil d’Etat a ainsi jugé que la Cour administrative d’appel a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que, dans les circonstances de l’espèce, M. et Mme A n’étaient pas fondés à mettre en cause l’impartialité de l’expert.