Le Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a jugé qu’une réglementation nationale réservant, à ancienneté égale, le bénéfice d’un complément de rémunération à des fonctionnaires du fait de leur statut, à l’exclusion des agents contractuels employés pour une durée déterminée, constituait une violation du principe de non-discrimination.
CJUE, 20 juin 2019, C-72/18, Ustariz Aróstegui / Departamento de Educación del Gobierno de Navarra
Un enseignant recruté par un contrat de droit public à durée déterminée par le ministère de l’Éducation du gouvernement de Navarre, qui s’était vu refuser le bénéfice rétroactif d’un complément de rémunération pour grade réservé aux fonctionnaires disposant de la même ancienneté que lui, a demandé à la juridiction compétente de son pays d’annuler ce refus.
Le tribunal provincial de Pampelune, saisi de cette affaire, a demandé à la CJUE, dans le cadre d’une question préjudicielle, si la réglementation nationale concernant l’attribution de ce complément de rémunération était compatible avec le droit de l’Union européenne, et plus précisément avec l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999, annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999. La clause 4, point 1, de cet accord énonce une interdiction de traiter, en ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée placés dans une situation comparable, au seul motif qu’ils travaillent pour une durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives.
La CJUE rappelle ainsi que « le principe de non-discrimination (…) exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié ».
En l’espèce, la Cour constate qu’il « n’existe aucune différence entre les fonctions, les services et les obligations professionnelles assumés par un professeur fonctionnaire et ceux assumés par un professeur agent contractuel de droit public, tel que [le requérant]».
En conséquence, selon le CJUE, la différence de traitement engendrée par le refus d’octroyer le complément de rémunération à un agent contractuel se trouvant dans une situation comparable à celle d’un fonctionnaire constitue une discrimination.
Après avoir établi l’existence d’une discrimination, la CJUE va rechercher si elle est justifiée par des raisons objectives.
Sur ce point, la Cour considère que, « sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer à cet égard, il n’existe, en l’occurrence, aucune « raison objective », au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, susceptible de justifier l’exclusion des agents contractuels de droit public ayant accompli la période de service requise du bénéfice du complément de rémunération en cause au principal ».
Selon le raisonnement de la Cour, la discrimination n’est justifiée par aucune raison objective, dans la mesure où le bénéficie du complément de rémunération n’est pas conditionné par l’avancement de grade du fonctionnaire mais par l’ancienneté de l’agent.
À noter que, sur cette question, le Conseil d’État a adopté une position différente puisqu’il considère que les agents contractuels ne sont pas « dans la même situation juridique que les fonctionnaires » et que, par conséquent, le Gouvernement pouvait régulièrement prévoir une mesure indemnitaire qui s’applique aux seuls fonctionnaires titulaires sans méconnaître le principe d’égalité de traitement (cf. Conseil d’Etat, 8 octobre 2008, n°312949).