Lorsqu’il est saisi de conclusion aux fins d’annulation du refus d’abroger un acte réglementaire, le juge de l’excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l’acte réglementaire dont l’abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision.
Conseil d’Etat, 19 juillet 2019, Association des Américains accidentels, n°424216
Cette décision du Conseil d’Etat porte sur la contestation, par l’association des Américains accidentels, de deux décisions implicites par lesquelles le ministre de l’action et des comptes publics a rejeté ses demandes tendant à ce qu’il soit procédé à l’abrogation de deux arrêtés des 5 octobre 2015 et 25 juillet 2017 portant création, par la direction générale des finances publiques, d’un traitement automatisé d’échange automatique des informations dénommé « EAI », en tant qu’il organise la collecte et le transfert de données à caractère personnel aux autorités fiscales américaines.
En effet, ces deux arrêtés font suite à un accord conclu le 14 novembre 2013 entre la France et les Etats-Unis et s’inscrivent dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale des citoyens et résidents américains détenant des actifs financiers en dehors des États-Unis.
Le moyen invoqué par l’association des Américains accidentels, au soutien de sa demande en annulation des deux arrêtés, tenait à l’incompétence de l’auteur de ces derniers.
Le Conseil d’Etat a d’abord rappelé que « En raison de la permanence de l’acte réglementaire, la légalité des règles qu’il fixe, la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l’ordre juridique. Cette contestation peut prendre la forme d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d’abroger l’acte réglementaire, comme l’exprime l’article L. 243-2 du code des relations entre le public et l’administration. »
Il a ensuite précisé que l’effet utile de l’annulation pour excès de pouvoir du refus d’abroger un acte réglementaire illégal réside dans l’obligation, que le juge peut prescrire d’office, de procéder à l’abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l’ordre juridique.
Il s’ensuit que :
- Dans l’hypothèse où un changement de circonstances a fait cesser l’illégalité de l’acte réglementaire litigieux à la date à laquelle il statue, le juge de l’excès de pouvoir ne saurait annuler le refus d’abrogation.
- A l’inverse si à la date à laquelle il statue, l’acte réglementaire est devenu illégal en raison d’un changement de circonstances, il appartient au juge d’annuler ce refus d’abroger pour contraindre l’autorité compétente à procéder à son abrogation.
En conséquence et c’est là tout l’apport de l’arrêt, s’agissant des règles relatives à la détermination de l’autorité compétente pour édicter un acte réglementaire, leur changement ne saurait avoir pour effet de rendre illégal un acte qui avait été pris par une autorité qui avait compétence pour ce faire à la date de son édiction. Un tel changement a, en revanche, pour effet de faire cesser l’illégalité dont était entaché un règlement édicté par une autorité compétente dans le cas où ce changement a conduit, à la date à laquelle le juge statue, à investir cette autorité de la compétence pour ce faire.
En l’espèce, le juge administratif précise que « s’il ne l’était pas, à la date à laquelle ont été pris les arrêtés litigieux, le ministre de l’action et des comptes publics est compétent, à la date de la présente décision, pour créer, par arrêté, pris après avis motivé et publié de la CNIL, le traitement automatisé d’échange automatique des données « EAI ». »
En conséquence, le moyen tiré de l’illégalité du refus d’abroger les arrêtés en cause, en raison de l’incompétence dont ces actes étaient initialement entachés doit être écarté.
Ainsi, dans le cadre d’une demande d’annulation du refus d’abrogation d’un acte réglementaire, le juge apprécie la légalité de l’acte réglementaire dont l’abrogation est demandée, au regard des règles applicables au jour de sa décision.