Les règlements ne peuvent, par principe, légalement disposer que pour l’avenir. Par conséquent, une délibération qui majore le tarif d’une redevance pour service rendu ne peut légalement prévoir son application avant la date de son entrée en vigueur.
Conseil d’Etat, 11 juillet 2019, EARL Plaine de Vaucouleurs, n°422577
L’entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Plaine de Vaucouleurs a fait citer le 9 juin 2016 la communauté d’agglomération de Rochefort Océan devant la juridiction de proximité de Rochefort afin d’obtenir l’annulation des titres exécutoires émis par la communauté d’agglomération pour le recouvrement de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères concernant les années 2012 à 2015.
Par un jugement du 12 avril 2017, la juridiction de proximité de Rochefort a sursis à statuer et renvoyé au tribunal administratif de Poitiers la question de la légalité des délibérations par lesquelles les tarifs de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères ont été fixés pour les années en cause.
L’EARL Plaine de Vaucouleurs se pourvoit en cassation contre le jugement du 12 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a jugé que l’exception d’illégalité ainsi soulevée n’était pas fondée.
Le Conseil d’Etat rappelle dans un considérant de principe que :
« Les règlements ne peuvent, en principe, légalement disposer que pour l’avenir. Il en résulte que, en l’absence de disposition législative l’y autorisant, et réserve faite des cas dans lesquels l’intervention rétroactive d’une délibération est nécessaire à titre de régularisation pour remédier à une illégalité et mettre à la charge des usagers une obligation de payer en contrepartie du service dont ils ont bénéficié, une délibération qui majore le tarif d’une redevance pour service rendu ne peut légalement prévoir son application avant la date de son entrée en vigueur.
Par suite, si une délibération de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales modifie les tarifs de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères en prévoyant une date d’entrée en vigueur rétroactive, cette délibération est entachée d’illégalité, mais seulement dans la mesure où la délibération a pour objet d’augmenter le montant de la redevance pour une période antérieure à la date de son entrée en vigueur ».
En l’espèce, par une délibération du 13 octobre 1993, la communauté d’agglomération du Pays Rochefortais, devenue communauté d’agglomération Rochefort Océan, a décidé d’instituer la redevance d’enlèvement des ordures ménagères sur son territoire.
Par des délibérations des 19 janvier 2012, 21 février 2013, 16 janvier 2014 et 2 avril 2015, la communauté d’agglomération du Pays Rochefortais a modifié les tarifs de la redevance à compter du 1er janvier de chaque année. Ces délibérations avaient donc une portée rétroactive.
Ainsi, le Conseil d’Etat a jugé que le Tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que, « dès lors qu’elles avaient pour seul objet de fixer, pour chacune des années considérées, le tarif d’une redevance déjà instituée par une délibération antérieure, ces délibérations n’étaient pas entachées d’une rétroactivité illégale au motif qu’un retard pris pour l’adoption du tarif annuel d’une redevance déjà instituée ne peut avoir pour effet de décharger les usagers de toute obligation de payer une redevance en contrepartie du service dont ils ont effectivement bénéficié ».
Il s’ensuit que l’EARL Plaine de Vaucouleurs est fondée à demander, dans cette mesure, l’annulation du jugement qu’elle attaque.
Le Conseil d’Etat règle l’affaire au fond et considère que les délibérations litigieuses, en ce qu’elles modifient le montant de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères à compter, respectivement, du 1er janvier de chacune des années en cause, sont illégales en tant qu’elles prévoient que les modifications qu’elles adoptent s’appliquent à des périodes antérieures à la date de leur entrée en vigueur.
Ces délibérations sont, en revanche et en l’absence d’autre critique de légalité fondée, légales en ce qu’elles ont pour effet, pour la période courant du 1er janvier de chaque année à la date de leur entrée en vigueur, de réitérer le tarif de la redevance applicable l’année précédente, dont les usagers doivent s’acquitter en contrepartie du service dont ils ont bénéficié.