En matière d’édifice menaçant ruine, l’autorité compétente peut utiliser ses pouvoirs de police administrative générale uniquement dans l’hypothèse où il existe « une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent ». Lorsque l’existence d’une telle situation n’est pas établie, l’autorité compétente ne peut disposer que de ses pouvoirs de police administrative spéciale des édifices menaçant ruine.
Dans cet arrêt, le préfet de police de Paris a pris un arrêté en date du 19 décembre 2013 interdisant l’accès et l’habitation d’un immeuble et enjoignant aux occupants de quitter les lieux, cet immeuble ayant fait l’objet d’un arrêté de péril prescrivant des travaux qui n’ont pas été réalisés. Cet arrêté a été pris dans le cadre des pouvoirs de police administrative générale qui étaient à cette date dévolus au Préfet et qui relèvent désormais du Maire (articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales)
La SCI La pommadière de Paris et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble ont demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler cet arrêté. Le jugement en date du 30 juin 2015 a fait droit a leur demande, jugement annulé par la Cour administrative d’appel de Paris sur appel du préfet.
Dans cette affaire, le juge devait déterminer si le préfet de police avait utilisé ses pouvoirs de police administrative générale dans le but de d’éviter la procédure spéciale de péril imminent prévue par le code de la construction et de l’habitation.
Selon le Conseil d’Etat, la Cour administrative d’appel aurait du rechercher « si l’urgence était telle qu’elle ne permettait pas de prendre les mesures nécessaires dans le respect de la procédure ».
En effet, pour rappel, les pouvoirs de police administrative générale du maire (articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du CGCT) ne peuvent être exercés que dans l’hypothèse où « le danger menaçant un immeuble résulte d’une cause qui lui est extérieure », tandis que les pouvoirs de police administrative spéciale (articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation) ne peuvent être mobilisés que lorsque « le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres »
Il peut être dérogé à cette utilisation des pouvoirs de police administrative spéciale, par l’adoption de mesure de police administrative générale, uniquement dans le cas d’« une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent ».
En l’espèce, le préfet a pris, dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative générale, une mesure ayant « pour seul objet d’enjoindre aux occupants de l’immeuble d’évacuer les lieux et d’en interdire l’accès et l’occupation». Or, le Conseil d’Etat rappelle que l’article L. 511-3 du code de la construction et de l’habitation permet à l’autorité de police, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale, d’ordonner l’évacuation des lieux et, partant, d’interdire leur accès en cas de péril imminent. Cette décision implique néanmoins une procédure préalable consistant à faire désigner par le tribunal administratif un expert, appelé à se prononcer dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa nomination.
Seule une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent aurait donc pu justifier que le Préfet de police ne fasse pas usage de ses pouvoirs de police spéciale au profit de ses pouvoirs de police générale.
Or, dans le cadre de son arrêt, la Cour administrative d’appel de Paris a retenu que le préfet de police avait légalement pu prendre une mesure de police administrative générale, sans même rechercher si « une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent » était caractérisée.
Le Conseil d’Etat annule donc l’arrêt de la Cour pour erreur de droit et renvoie l’affaire à nouveau devant la Cour administrative d’appel de Paris.