Le juge de Cassation contrôle désormais que l’usage de la faculté pour le président de la formation de jugement de prononcer le désistement d’office du requérant de l’ensemble de ses conclusions n’est pas abusif, au vu des circonstances de l’espèce.
Conseil d’Etat, 17 juin 2019, n° 419770
En l’espèce, Madame B a saisi le Tribunal administratif de Versailles afin d’obtenir l’annulation de la décision du 1er décembre 2015 de la Caisse d’allocation familiale de l’Essonne ne lui accordant qu’une remise de dette partielle. Le 2 février 2018, la juridiction saisie lui demande par courrier de confirmer le maintien de ses conclusions dans un délai d’un mois. Devant l’absence de réponse de la requérante dans le délai imparti, la présidente du Tribunal administratif a considéré la requérante comme s’étant désistée de ses conclusions et a pris une ordonnance dans ce sens le 16 mars 2018. Madame B se pourvoit alors en cassation devant le Conseil d’Etat afin de contester cette ordonnance.
Saisi de ce litige, le Conseil d’Etat vient préciser l’office du juge de cassation dans son contrôle de la faculté offerte par l’article R. 612-5-1 du Code de justice administrative au terme duquel « lorsque l’état du dossier permet de s’interroger sur l’intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l’instruction, peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l’expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s’être désisté de l’ensemble de ses conclusions« .
Ainsi, à l’occasion de la contestation de l’ordonnance donnant acte d’un désistement en l’absence de réponse du requérant à la demande de confirmation de ses conclusions dans le délai imparti, le juge de cassation devra vérifier :
- Tout d’abord que « l’intéressé a reçu la demande de confirmation du maintien de ses conclusions« ,
- Ensuite, « que cette demande laissait au requérant un délai d’un mois au moins pour y répondre« ,
- Puis, « que cette demande l’informait des conséquences d’un défaut de réponse dans ce délai« ,
- Enfin, que « le requérant s’est abstenu de répondre en temps utile« .
De plus, la Haute juridiction apporte une double précision sur le régime juridique du désistement d’office prononcé par le juge en précisant que « si les motifs pour lesquels le signataire de l’ordonnance, auquel il incombe de veiller à une bonne administration de la justice, estime que l’état du dossier permet de s’interroger sur l’intérêt que la requête conserve pour son auteur ne peuvent en principe être utilement discutés devant le juge de cassation« , « il appartient néanmoins à ce dernier de censurer l’ordonnance qui lui est déférée dans le cas où il juge, au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, qu’il a été fait un usage abusif de la faculté ouverte par l’article R. 612-5-1 du CJA ».
En l’espèce, la requérante avait en effet produit suite à l’introduction de l’instance trois nouveaux mémoires afin de demander à la juridiction de traiter sa demande dans les meilleurs délais face à l’urgence de sa situation, de plus, la CAF de l’Essonne ne semblait pas être sur le point de revenir sur sa position de n’accorder qu’une remise de dette partielle à l’égard de la requérante et enfin la lettre demandant à la requérante de confirmer ses conclusions était revenue au Tribunal et n’avait pu lui être remise à son adresse.
Dans ces conditions, le Conseil d’Etat considère que l’ordonnance prononçant le désistement de la requérante était abusive et doit donc à ce titre être annulée.