Le Conseil d’Etat confirme que la théorie du domaine public virtuel a survécu à l’entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques et en fait application concernant des locaux mis à la disposition d’une crèche associative.
Conseil d’Etat, 22 mai 2019, n°423230
Pour rappel, en application de la théorie du « domaine public virtuel », un bien peut être considéré comme appartenant au domaine public dès lors qu’il est destiné, de façon certaine, à être affecté à un service public moyennant des aménagements spéciaux (CE, 6 mai 1985, Association Eurolat, n° 41589 ; CE, 1er octobre 2013, Société Espace Habitat Construction, n° 349099 ; CE, 29 juin 2015, Centre Hospitalier de Mention, n° 368299).
L’entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) et la modification de la définition du domaine public avait pu faire naître un doute quant à la survie de cette théorie mais, dans un arrêt du 13 avril 2016 (n°391431), le Conseil d’Etat a eu l’occasion de juger que quand, postérieurement à l’entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), une personne publique a pris la décision d’affecter un bien qui lui appartient à un service public et que l’aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public peut être regardé comme entrepris de façon certaine, eu égard à l’ensemble des circonstances de droit et de fait, telles que, notamment, les actes administratifs intervenus, les contrats conclus, les travaux engagés, ce bien doit être regardé comme une dépendance du domaine public.
Dans l’arrêt du 22 mai 2019, le Conseil d’Etat fait application de cette théorie pour confirmer la compétence du juge administratif pour connaitre d’une demande d’expulsion de locaux mis à disposition d’une crèche associative.
En l’espèce, par délibération du 5 avril 2018, la Commune avait décidé de créer un service public d’accueil de la petite enfance et d’affecter à ce service public, à compter du 2 août 2018, les locaux communaux mis à la disposition d’une association, qui disposait d’un titre pour les occuper jusqu’au 1er août 2018. Ces locaux, dans lesquels l’association exploitait une crèche et une halte-garderie, disposaient déjà des aménagements indispensables à l’activité de service public dont la création avait été décidée.
Le Conseil en conclut que le juge des référés n’avait pas commis d’erreur de droit en retenant, eu égard à l’ensemble des circonstances de droit et de fait de l’espèce, que les locaux en cause pouvaient être regardés comme une dépendance du domaine public de la commune et que la demande de la commune tendant au prononcé d’une mesure d’expulsion de ces locaux n’échappait pas manifestement à la compétence de la juridiction administrative.