Le Conseil d’Etat apporte des précisions sur les conséquences de l’expiration du terme du contrat sur le recours en reprise des relations contractuelles avant la saisine du juge d’appel ou pendant l’instance d’appel.
Conseil d’Etat, 27 février 2019, n°414114
En l’espèce, le département de la Seine-Saint-Denis et la société Ethesia avaient conclu, le 27 septembre 2011, un marché à bons de commande d’une durée de quatre ans pour la maintenance des installations de chauffage, de climatisation et d’eau chaude sanitaire dans les bâtiments sociaux et autres propriétés départementales, comportant un montant minimum garanti de 1 000 000 euros TTC.
A la suite de la liquidation judiciaire de la société Ethesia, l’entreprise a été cédée à la société CAPCLIM en vertu d’un jugement du tribunal de commerce du 4 mars 2013. La société CAPCLIM, devenue titulaire du marché conclu entre le département et la société Ethesia, a présenté au département de la Seine-Saint-Denis une facture datée du 25 mars 2013 pour un montant total de 54 172,96 euros TTC au titre de prestations d’entretien et de maintenance pour la période du 1er janvier au 31 mars 2013, dont le département ne s’est pas acquitté. Par lettre du 16 mai 2013, la société CAPCLIM a demandé en vain au département de la Seine-Saint-Denis de reprendre les relations contractuelles, de signer un avenant prenant acte du transfert de plein droit à son profit du marché et le paiement de la facture précitée.
La résiliation implicite du marché
Le Conseil d’Etat juge qu’en dehors du cas où elle est prononcée par le juge, la résiliation d’un contrat administratif résulte, en principe, d’une décision expresse de la personne publique cocontractante, mais qu’en l’absence de décision formelle, un contrat doit être regardé comme tacitement résilié lorsque, par son comportement, la personne publique doit être regardée comme ayant mis fin, de façon non équivoque, aux relations contractuelles.
Le Conseil d’Etat ajoute qu’il appartient aux juges du fond d’apprécier l’existence d’une résiliation tacite du contrat au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, en particulier des démarches engagées par la personne publique pour satisfaire les besoins concernés par d’autres moyens, de la période durant laquelle la personne publique a cessé d’exécuter le contrat, compte tenu de sa durée et de son terme, ou encore de l’adoption d’une décision de la personne publique qui a pour effet de rendre impossible la poursuite de l’exécution du contrat ou de faire obstacle à l’exécution, par le cocontractant, de ses obligations contractuelles.
En l’espèce, la Cour administrative d’appel avait estimé que le contrat liant le département de la Seine-Saint-Denis et la société Ethesia, cédée à la société CAPCLIM, avait fait l’objet d’une décision de résiliation tacite, dès lors que le département n’avait pas effectué de nouvelles commandes au titre de l’année 2013 à partir de la reprise par la société CAPCLIM de la société Ethesia et avait conclu avec une autre société le 9 juillet 2013 un marché de maintenance ayant le même objet que le marché en litige.
Le Conseil d’Etat valide la position de la Cour administrative d’appel en jugeant que ces circonstances étaient au nombre de celles permettant d’établir que la personne publique a mis fin de façon non équivoque, à un contrat.
Les conséquences de l’expiration du terme du contrat sur le recours en reprise des relations contractuelles avant la saisine du juge d’appel ou pendant l’instance d’appel
Le Conseil d’Etat a jugé que, la cour doit constater que le contrat n’est plus susceptible d’être exécuté et que le litige n’a pas ou n’a plus d’objet :
- lorsque un tribunal administratif a rejeté une demande tendant à la reprise des relations contractuelles et que, postérieurement à son jugement, le terme du contrat est atteint avant la saisine du juge d’appel ou pendant l’instance d’appel ;
- si le tribunal a ordonné la reprise des relations contractuelles mais que son jugement n’a pas été exécuté et que le terme du contrat est atteint avant la saisine du juge d’appel ou pendant l’instance d’appel.
En revanche, si le jugement ordonnant la reprise des relations contractuelles a été exécuté, le juge d’appel doit statuer sur la requête en appréciant le bien-fondé de la reprise des relations contractuelles ordonnée par le tribunal jusqu’au terme du contrat.
En l’espèce, le terme du marché en litige, fixé au 27 septembre 2015, soit postérieurement à la saisine du juge d’appel, était dépassé à la date à laquelle la cour administrative d’appel de Versailles a statué et le jugement du 29 avril 2014 du tribunal administratif de Montreuil, ordonnant la reprise des relations contractuelles, n’avait pas été exécuté à la date de l’arrêt attaqué.
Le Conseil d’Etat en conclut que le jugement ne peut plus être exécuté et que, dans ces conditions, les conclusions d’appel incident du département de la Seine-Saint-Denis tendant à l’annulation de ce jugement en tant qu’il lui a enjoint de reprendre les relations contractuelles avec la société CAPCLIM sont devenues sans objet.