Un ensemble immobilier unique doit par principe faire l’objet d’un seul permis de construire. Toutefois, un permis de construire distinct est envisageable lorsque l’ampleur et la complexité du projet le justifient notamment en cas d’intervention de plusieurs maîtres d’ouvrage. Les éléments de la construction ont une vocation fonctionnelle autonome.
Par quatre requêtes distinctes, M. et Mme B…ont demandé au tribunal administratif de Pau d’annuler pour excès de pouvoir, d’une part, le permis de construire et le permis de construire modificatif délivrés par le maire d’Anglet les 15 octobre 2015 et 25 juillet 2016 à la société Roxim Management, pour la construction d’un bâtiment collectif et de deux villas.
Ils demandaient, d’autre part, l’annulation du permis de construire et du permis de construire modificatif délivrés par la même autorité les 4 décembre 2015 et 25 juillet 2016 à M. D… C…pour la démolition partielle d’un bâtiment et la construction d’un autre ensemble immobilier, constitué d’un bâtiment collectif et d’une villa.
Le Tribunal administratif a annulé pour excès de pouvoir les permis de construire aux motifs qu’ils méconnaissaient, d’une part, l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme, dès lors que ne figuraient pas aux dossiers de demande de permis les attestations thermiques requises et, d’autre part, l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme, les projets de construction en cause exigeant, eu égard à leurs caractéristiques, une autorisation de construire unique.
Sur le caractère incomplet des dossiers de permis de construire
Pour juger que M. et Mme B…étaient fondés à invoquer le caractère incomplet des dossiers de demande de permis de construire en méconnaissance de ces dispositions, le tribunal administratif a considéré qu’en l’absence de tampon indiquant qu’elles étaient annexées aux demandes, aucun élément n’établissait que les attestations thermiques produites par les pétitionnaires avant la clôture de l’instruction figuraient dans ces dossiers de demande. En statuant de la sorte au vu de l’ensemble des pièces et des éléments qui ont été soumis à son appréciation, le Conseil d’Etat a considéré que le tribunal administratif avait entaché son jugement de dénaturation.
Sur la nécessité d’un permis unique
Le Conseil d’Etat a précisé dans un considérant de principe assez complet « qu’il résulte des dispositions issues de l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme que le permis de construire a pour seul objet de s’assurer de la conformité des travaux qu’il autorise avec la législation et la réglementation d’urbanisme.
Il s’ensuit, d’une part, que si une construction constituée de plusieurs éléments formant, en raison des liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique, doit en principe faire l’objet d’un seul permis de construire, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, lorsque l’ampleur et la complexité du projet le justifient, notamment en cas d’intervention de plusieurs maîtres d’ouvrage, les éléments de la construction ayant une vocation fonctionnelle autonome puissent faire l’objet de permis distincts, sous réserve que l’autorité administrative ait vérifié, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l’ensemble des permis délivrés.
Il s’ensuit, d’autre part, que lorsque deux constructions sont distinctes, la seule circonstance que l’une ne pourrait fonctionner ou être exploitée sans l’autre, au regard de considérations d’ordre technique ou économique et non au regard des règles d’urbanisme, ne suffit pas à caractériser un ensemble immobilier unique ».
Pour estimer que les deux projets de la société, situés sur deux terrains contigus, constituaient un ensemble immobilier unique, le tribunal administratif s’est fondé sur la circonstance qu’ils sont desservis par une même voie d’entrée et de circulation interne, qu’ils bénéficient d’une même rampe d’accès à leurs parcs de stationnement respectifs et partagent les mêmes réseaux d’eau, d’électricité, de fibre optique et de gaz, ainsi que l’éclairage collectif et d’autres équipements annexes tels qu’un poteau incendie, des boîtes aux lettres et un local de stockage de conteneurs à déchets et qu’enfin, bien que relevant de deux maîtres d’ouvrage distincts, ces projets présentent la même conception architecturale.
En se fondant sur de tels éléments techniques pour caractériser un lien fonctionnel entre ces constructions distinctes et en déduire qu’elles constituent un ensemble immobilier unique devant en principe faire l’objet d’un seul permis de construire, le Conseil d’Etat a considéré que le tribunal administratif a entaché son jugement d’erreur de droit.
Les requérants sont donc fondés à demander l’annulation du jugement qu’ils attaquent, dans la mesure où aucun des deux motifs retenus par le tribunal administratif de Pau ne pouvait conduire à l’annulation des permis litigieux.