Le contrôle des pièces justificatives par le comptable peut le conduire à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l’origine de la créance et, s’il lui appartient alors d’en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, il n’a pas le pouvoir de se faire juge de leur légalité. Par suite, il n’appartient pas au comptable, en principe, de vérifier la compétence des auteurs des actes administratifs fournis au titre des pièces justificatives de la dépense.
Conseil d’Etat, 28 décembre 2018, req. n°410113
Monsieur A et Monsieur B, comptables au service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de Gironde ont procédé au paiement d’indemnités horaires et forfaitaires pour travaux supplémentaires au profits d’agents du SDIS, intervenus dans le cadre d’événements exceptionnels. Ces versements étaient fondés sur des délibérations du bureau du conseil d’administration du SDIS.
La chambre régionale des comptes d’Aquitaine Poitou Charente, confirmée par la Cour des Comptes, a constitué ces comptables débiteurs des sommes versées, au motif qu’ils avaient manqué à leur obligation de contrôle de la validité des créances. Le juge financier avait estimé que le conseil d’administration du SDIS n’avait pas délégué à son bureau la compétence pour attribuer les indemnités en cause et que le comptable avait manqué à ses obligations en ne vérifiant pas cette compétence.
Le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour des comptes est venu préciser l’étendue des obligations des comptables en matière de contrôle de recette et de dépense. Déjà saisi sur une problématique similaire, il avait énoncé dans une décision du 8 février 2012 que le contrôle du comptable public sur les pièces justificatives d’une dépense implique pour celui ci « d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ». Il avait alors précisé que « si ce contrôle peut conduire les comptables à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l’origine de la créance et s’il leur appartient alors d’en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils n’ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité ; qu’enfin, lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la créance, il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires ».
Le Conseil d’Etat ajoute, avec la présente décision, que « sous réserve des obligations qui viennent d’être rappelées, il n’appartient pas au comptable, en principe, de vérifier la compétence des auteurs des actes administratifs fournis au titre des pièces justificatives de la dépense ».
L’arrêt de la Cour des comptes est donc annulé et l’affaire lui est renvoyée.